Avis 20233868 Séance du 20/07/2023

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 juin 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines et de l’architecture à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, du dossier suivant, conservé aux Archives nationales : Sous-direction des naturalisations X Dossier X : demande de réintégration de X, né le X à Ain Temouchent (Algérie) et décédé le X à Amiens. 1992-1993 En premier lieu, la commission rappelle qu’un dossier relatif à l’acquisition ou à la réintégration dans la nationalité française constitue un document administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui ne peut être communiqué, en application de l’article L311-6 de ce code, qu'à l'intéressé, c'est-à-dire, à la personne concernée ainsi qu'aux ayants droit qui peuvent se prévaloir d'une qualité leur permettant d'être regardés comme étant eux-mêmes directement concernés (CE, 17 avril 2013, n° 337194), notamment se prévaloir d'un droit à raison du document donc la communication est sollicitée. En second lieu, la commission précise qu’un tel dossier relatif à l’acquisition ou à la réintégration dans la nationalité française constitue également un document d’archives publiques au sens de l’article L211-4 du code du patrimoine. La commission rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, en vertu du 3° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée deviennent librement communicables à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier. La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines et de l’architecture a indiqué à la commission que son refus était justifié par le fait que le ministère de l'intérieur n’avait pas répondu aux demandes successives d’avis que lui avaient adressées les Archives nationales. Tenue par les dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine de n’accorder une autorisation d’accès par dérogation qu’après l’accord de l’autorité dont émanent les documents, elle ne pouvait donc qu'opposer un refus à la demande de Madame X. La commission relève en l’espèce que les documents sollicités comportent des mentions relevant du secret de la vie privée de Monsieur X, soumises au délai de libre communicabilité de cinquante ans en vertu des dispositions du 3° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine. Compte tenu de la date des dossiers, ces documents ne sont pas encore librement accessibles. La commission constate par ailleurs que Madame X n’a apporté aucune précision quant à la démarche qu’elle entreprend ni au but qu’elle poursuit en sollicitant la consultation anticipée de ces documents. Il n’est en outre pas fait état devant la commission d’un lien de parenté entre elle et Monsieur X. Dans ces conditions, l’existence d’un intérêt légitime s’attachant à la demande ne ressort pas des pièces du dossier. En l’état des informations dont elle dispose, la commission ne peut dès lors que considérer que la communication, par anticipation aux délais légaux de communicabilité, porterait une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet dès lors un avis défavorable. La commission prend toutefois note que le ministre de l’intérieur s’est depuis lors prononcé favorablement à la demande de consultation du dossier de Monsieur X, à l’exception de la feuille d’instruction.