Avis 20233527 Séance du 20/07/2023
Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 juin 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Vinassan à sa demande de copie, par courrier électronique ou par clé USB, des documents suivants concernant les marchés en cours de réalisation pour les travaux du cœur de ville, à savoir pour les 3 lots et pour les marchés du bureau d’étude, du coordonnateur et pour l’assistant à maitrise d’ouvrage :
1) les documents de consultation d’entreprise pour le marché de Sud Rehal concernant les travaux du cœur de ville, le marché de l’entreprise, la décision de la commission d’appel d’offres et le compte rendu du conseil municipal sur l’attribution de ce marché, les dossiers d’étude réalisés par cette entreprise, les comptes rendus de réunions et tout document définitif pour ce marché du cœur de ville ;
2) les documents de consultation d’entreprise pour le marché de Ferrando Mateille concernant les travaux du cœur de ville, le marché de l’entreprise, la décision de la commission d’appel d’offres et le compte rendu du conseil municipal sur l’attribution de ce marché, les dossiers d’étude réalisés par cette entreprise, les comptes rendus de réunions et tout document définitif pour ce marché du cœur de ville ;
3) les documents de consultation d’entreprise pour le marché de Alenis concernant les travaux du cœur de ville, le marché de l’entreprise, la décision de la commission d’appel d’offres et le compte rendu du conseil municipal sur l’attribution de ce marché, les dossiers d’étude réalisés par cette entreprise, les comptes rendus de réunions et tout document définitif pour ce marché du cœur de ville ;
4) le dossier de consultation pour le marché de travaux concernant les travaux du cœur de ville lancé fin janvier 2023, ainsi que, si le marché a été attribué, le marché de l’entreprise, la décision de la commission d’appel d’offres et le compte rendu du conseil municipal sur l’attribution de ce marché, les comptes rendus de réunions et tout document définitif pour ce marché de travaux du cœur de ville.
En l'absence de réponse du maire de Vinassan à la date de sa séance, la commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
La commission considère en revanche que le prix global par tranche est librement communicable à toute personne en faisant la demande (avis de partie II n° 20231017 du 11 mai 2023).
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
Enfin, la commission estime que les documents remis par l’attributaire d’un marché public dans le cadre de l’exécution du contrat sont librement communicables à toute personne en faisant la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, dès lors qu'ils ont été remis à leur commanditaire, sous réserve de l'occultation des éventuelles mentions protégées au titre des articles L311-5 et 6 du même code, et sous réserve qu'ils ne revêtent plus un caractère préparatoire.
En second lieu, la commission rappelle qu’en vertu de l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document, soit encore par publication en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6.
La commission souligne également qu'en application de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, les frais correspondant au coût de reproduction des documents et, le cas échéant, d'envoi de ceux-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Ces frais sont calculés conformément aux articles 2 et 3 de l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001. L'intéressé doit être avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé.
Par ailleurs, si l’administration ne dispose pas des moyens de reproduction nécessaires pour satisfaire une demande de communication portant sur un volume important de documents, elle peut faire établir un devis auprès d’un prestataire de service extérieur. Il lui appartiendra alors d'adresser le devis de ce dernier au demandeur pour qu'il y donne suite, s'il y a lieu.
La commission souligne, enfin, que si le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, l’administration est en revanche fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration est notamment en droit d'inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Alternativement, elle peut convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services.
Si le demandeur maintient son souhait de recevoir copie des documents, et que la reproduction des documents n'excède pas les possibilités techniques et les moyens de l'administration, celle-ci est fondée à en échelonner l'envoi dans le temps. Elle doit alors en aviser l'intéressé et, dans la mesure du possible, convenir avec lui d'un échéancier de communication.
En application de ces principes, la commission émet donc, sous ces réserves et dans ces conditions, un avis favorable à la demande.