Avis 20233424 Séance du 06/07/2023

Maître X, conseil de la Commission des locataires et des familles (CLEF), a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, par un courrier enregistré à son secrétariat le 10 mai 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général de la Société anonyme de construction de la ville de Lyon à sa demande de communication d'une copie des documents suivants : 1) l'ensemble des contrats, marchés d'entreprises et leurs annexes passés avec les différents prestataires qui intervinrent durant la période couvrant les années 2018 à 2022 pour le compte de la SACVL sur son patrimoine ; 2) l'ensemble des ordres du jour, délibérations, documents, powerpoint et comptes rendus du bureau du conseil d'administration durant la période couvrant les années 2018 au 5 avril 2023 inclus ; 3) l'ensemble des ordres du jour, délibérations, documents, powerpoint et comptes rendus des conseils d'administration durant la période couvrant les années 2018 à 2022 ; 4) l'ensemble des ordres du jour, délibérations, documents, powerpoint et comptes rendus des conseils de concertation locative du patrimoine de siège de la SACVL durant la période couvrant les années 2018 à2022 ; 5) l'ensemble des ordres du jour, délibérations, documents, powerpoint et comptes rendus des conseils de concertation locative ou réunions des comités de locataires durant la période couvrant les années 2018 au 5 avril 2023 ; 6) l'ensemble des courriers recommandés avec AR ou simples, mails de création de collectifs, groupements ou comités de locataires émanant des différentes associations de défense des locataires aux différentes instances de concertation (CCLP et CCL) pour les réunions de siège durant la période couvrant les années 2018 au 5 avril 2023 inclus ; 7) la liste des logements vacants par résidence sur le patrimoine de la SACVL durant la période couvrant les années 2018 au 5 avril 2023 inclus. 8) l'ensemble des commandes, bons de travaux et comptes rendus techniques de l'ensemble des prestataires (chauffage, ascenseurs, nettoyage, désinsectisation etc.), résidence par résidence qui intervinrent sur le patrimoine de la SACVL durant la période couvrant les années 2018 au 5 avril 2023 inclus. A titre liminaire, la commission rappelle qu'aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (…), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Selon l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ». La commission indique que le Conseil d'État, dans sa décision CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, a jugé qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Toutefois, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission. En l'espèce, la commission relève qu'il ressort des informations librement accessibles que la SACVL est une société anonyme d'économie mixte dont le capital est détenu en majorité par la Ville de Lyon, dont le conseil d’administration est composé d’administrateurs de la Ville de Lyon, majoritaires, d’administrateurs élus par l’assemblée générale, d’administrateurs élus par les locataires et de membres permanents, et dont l’objet est la construction d’immeubles, les aménagements des terrains destinés à recevoir les constructions, les achats et ventes d’immeubles et gestion de ces immeubles appartenant à la SACVL, ou confiés en gestion par la Ville, ainsi que la maîtrise d’ouvrage déléguée et toutes opérations favorisant la mixité fonctionnelle et sociale. La commission déduit de ces éléments que la SACVL doit être regardée, dans le cadre de ces missions, comme une personne privée chargée d’une mission de service public au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Dès lors, les documents produits ou reçus par la SACVL qui ont un lien suffisamment direct avec les missions de service public dont elle a la charge sont des documents administratifs soumis au droit d'accès ouvert par le livre III du même code. La commission rappelle, à cet égard, que si les budgets et comptes sont regardés comme ayant, par principe, un lien direct avec la mission de service public (CE 20 juillet 1990, Ville de Melun et Association Melun culture loisirs c/X, n° 69867-72160, au rec. ; CE 25 juillet 2008, Commissariat à l'énergie atomique, n° 280163, aux T.), il n'en est pas de même des documents, décisions ou délibérations, relatifs au fonctionnement interne de la société (CE 24 avril 2013, Mme L., n° 338649 ; Conseil n° 20191480 du 5 septembre 2019). La commission relève que le Conseil d’État, dans une décision du 7 octobre 2022, Association Anticor (n° 443826), a jugé que les dispositions de l'article L311-6 doivent être entendues, s’agissant de leur application aux personnes morales de droit privé, comme excluant en principe, sous réserve qu’elle ne soit pas imposée ou impliquée par d’autres dispositions, la communication à des tiers, par l’autorité administrative qui les détient, des documents relatifs notamment à leur fonctionnement interne et à leur situation financière. La commission estime toutefois qu’il en va différemment lorsque les documents administratifs demandés retracent la mission de service public exercée par l'organisme concerné et qui, eu égard à la composition de son capital, ne font que refléter les conditions d’engagement et de participation des collectivités publiques actionnaires. Ces documents ne relèvent pas, à la différence d’actes de même nature de sociétés dont le capital serait détenu en tout ou partie par des personnes privées, du secret de la vie privée. En l’absence de réponse de la SACVL à la demande qui lui a été adressée, la commission, qui n'a pas pu prendre connaissance des documents sollicités, estime que ceux d'entre eux qui se rattachent à la mission de service dont elle est investie, sont communicables en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve de l’occultation préalable des mentions couvertes par les secrets protégés, en particulier au titre de la vie privée et du secret des affaires prévus par l'article L311-6 de ce code. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable.