Avis 20233353 Séance du 06/07/2023

Maître X, conseil de X, a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, par un courrier enregistré à son secrétariat le 25 mai 2023, à la suite du refus opposé par le ministre de la santé et de la prévention à sa demande de communication d'une copie, par courrier électronique, des documents suivants dans le cadre de la rédaction d’un projet de décret relatif à l’information sur les produits de protection intime : 1) toute éventuelle réponse des industriels concernés à tout courrier/mesure d’instruction/sollicitation dans le cadre de la consultation menée par la DGCCRF lorsqu’elle « s’est rapprochée de l’ensemble de la filière pour identifier les voies d’amélioration possibles concernant les trois sources d’amélioration identifiées lors d’investigations menées en 2017 » tel que mentionné dans le courrier du ministère du 6 janvier 2023 ; 2) les plans d’actions établis par les fabricants de couches pour bébé mentionnés dans le courrier du ministère du 6 janvier 2023 joint, rapports de suivi de ces actions et conclusions sur la mise en place/déploiement de ces plans d’actions qui auraient été communiqués aux autorités compétentes. En premier lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le ministre de la santé et de la prévention a informé la commission que les documents sollicités, qui relèvent du processus d’élaboration du décret relatif à l’information sur les produits de protection intime, revêtent à ce stade un caractère préparatoire. La commission rappelle, à cet égard, qu'un document préparatoire est exclu du droit d'accès prévu par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration aussi longtemps que la décision administrative qu'il prépare n'est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable. Ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat dans sa décision du 24 février 2022, n° 459086 ces dispositions « visent à assurer la sérénité du processus d’élaboration des décisions au sein de l’administration et donc à garantir le bon fonctionnement de cette dernière. Elles sont par suite justifiées par un motif d’intérêt général. L’atteinte qu’elles portent au droit d’accès aux documents administratifs est limitée, dès lors que la restriction temporaire qu’elles prévoient ne concerne que les documents préparatoires inséparables du processus décisionnel, que cette restriction est levée dès l’intervention de la décision en cause ou, le cas échéant, dès le moment où il apparaît que l’autorité administrative a renoncé à la prendre (…) ». La commission précise que seuls les documents qui concourent à l’élaboration d’une décision administrative déterminée et sont inséparables de ce processus revêtent un caractère préparatoire. En l'espèce, la commission relève que le ministre de la santé et de la prévention ne démontre pas, par ses allégations générales, que les documents sollicités s'inscriraient dans le processus d’élaboration du décret relatif à l’information sur les produits de protection intime. En particulier, il ne ressort pas des informations portées à la connaissance de la commission que ces documents, qui émanent de tiers à l'administration, comporteraient des propositions ou des pistes de réflexions permettant de les regarder comme étant inséparables du processus de décision devant conduire à l'adoption de ce décret. La commission estime, par suite, que ces documents ne revêtent pas un caractère préparatoire au sens de l'article L311-2 du code précité. La commission rappelle, en deuxième lieu, que le droit de communication prévu à l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration ne s'applique qu'à des documents existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. En revanche, et sous cette dernière réserve, cette loi ne fait pas obligation à l’administration saisie d’une demande de communication de procéder à des recherches en vue de collecter l'ensemble des documents éventuellement détenus (CE, 27 septembre 1985, recueil page 267), ou d'établir un document en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Min. d'État, min. éduc. nat. et CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection). En l’espèce, s’agissant des documents visés au point 1), le ministre a informé la commission que les réponses que les industriels ont, le cas échéant, apportées aux questions de la DGCCRF lors des investigations qu’elle a menées en 2017 se sont limitées à des indications orales fournies à l'occasion de réunions. En l'état des informations ainsi portées à sa connaissance, la commission – qui relève par ailleurs que les bilans des actions de surveillance du respect par les responsables de la mise sur le marché de produits de protection intime de leur obligation générale de responsabilité ont déjà été transmis à la demanderesse le 24 novembre 2022 – ne peut donc que déclarer sans objet la demande d’avis sur ce point. La commission estime, en troisième et dernier lieu, que les documents visés au point 2) sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des mentions relevant des secrets protégés en application de l'article L311-6 du même code, notamment les mentions relevant du secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles ou faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice (manquements, infractions constatées). Elle précise que ce n'est que dans l'hypothèse où les occultations priveraient ce document de son intelligibilité ou de son sens ou la communication de tout intérêt que l'administration serait fondée à en refuser la communication. En l’espèce, le ministre a informé la commission de ce que les plans d’actions demandés, lorsqu’ils existent, sont susceptibles de contenir des mentions protégées par plusieurs secrets relatifs à des sociétés commerciales, le secteur d’activité concerné étant particulièrement compétitif, et a ajouté que l’une de ces sociétés a expressément souligné, à l’occasion de la transmission des documents la concernant à la DGCCRF, le niveau élevé de confidentialité que ceux-ci revêtent. Le ministre souligne enfin que les documents sollicités sont constitués de plus de 1 100 pages occupant un total de 409 mégaoctets d’espace mémoire et qu’une première estimation basée sur un échantillon fait apparaître que près de 80 % de leur contenu serait constitué de mentions relevant du secret des affaires. Ayant pris note de ces observations, la commission relève toutefois que l’échantillon examiné ne lui a pas été transmis, ni, à plus forte raison, l’ensemble des documents sollicités, si bien qu’il lui est impossible de porter une appréciation sur l'ampleur exacte des mentions protégées. Elle émet donc, dans les conditions et sous les réserves précédemment mentionnées, un avis favorable à la demande sur ce point. Elle rappelle enfin, à toutes fins utiles, que dans le cas de demandes de communication nécessitant des opérations lourdes pour l'administration, celle-ci est fondée à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services.