Avis 20233323 Séance du 06/07/2023
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par un courriel du 31 mai 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine à sa demande de communication de l'intégralité des conclusions des investigations menées par cette agence sur les conditions d'accueil et de séjour de sa mère, Madame X, aujourd'hui décédée, au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Le X, situé à Bordeaux.
En l'absence de réponse du directeur de l'ARS à la date de sa séance, la commission rappelle, en premier lieu, qu'en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, telles que le Conseil d'État les a interprétées, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité sous réserve que cette demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4 - à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical.
La commission précise ensuite que l’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur.
A cette fin, la commission souligne que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant.
La commission rappelle ensuite que les autres documents figurant dans le dossier sollicité ne peuvent être communiqués qu'aux personnes qui peuvent se prévaloir d’une qualité conduisant à les regarder comme directement concernées. Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, Ministre de l'immigration nationale et du développement solidaire c/ M. X (n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon), que l'intéressé, au sens des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication.
En l'espèce, la commission comprend, d’une part, que la qualité d’ayant droit de Madame X n’est pas contestée. Elle comprend, d’autre part, que la demande de communication des conclusions des investigations menées par l'ARS Nouvelle-Aquitaine sur les conditions d'accueil et de séjour de sa mère est justifiée par la volonté de faire valoir ses droits, puisqu’il est fait état d’événements préjudiciables à la santé de la patiente qui se seraient déroulés au cours de son séjour au sein de l'EHPAD Le X, entre le 4 février 2009 et le 1er mars 2022. La commission relève enfin que si la directrice adjointe de la délégation départementale de la Gironde de l'ARS Nouvelle-Aquitaine a indiqué à Madame X, par un courrier du 13 juin 2022, que la prise en charge de sa mère allait faire l'objet d'investigations par les services de l'agence, aucune information médicale ni aucun élément complémentaire relatif à cette prise en charge n'a été transmis à l'intéressée.
La commission estime donc que les informations permettant à Madame X de faire valoir ses droits que l'ARS a obtenues dans le cadre des investigations qu'elle a menées sont communicables à l'intéressée, si elles existent, selon les modalités fixées par les articles L1111-7 et L1110-4 du code de la santé publique s'agissant des informations à caractère médical. Les autres documents, s'ils existent, sont quant à eux communicables à Madame X sous réserve de l'occultation préalable des éventuelles mentions protégées par l'article L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Elle précise à ce titre que devront nécessairement être occultées, préalablement à la communication des documents en cause, les mentions révélant de la part de personnes physiques ou morales, autres que celles agissant dans le cadre de leurs missions de service public, un comportement dont la divulgation pourrait leur porter préjudice.
La commission émet donc, sous ces réserves, un avis favorable.