Avis 20233297 Séance du 06/07/2023
Madame X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 29 octobre 2022, à la suite du refus opposé par la directrice académique des services de l'éducation nationale de la Gironde à sa demande de communication des documents suivants, concernant les établissements privés hors contrat de la Fraternité sacerdotale Saint‐Pie X (FSSPX) et de communautés amies de celle‐ci :
1) les rapports de visite ;
2) l’historique des rapports de visite ;
3) les mesures prises en cas de dysfonctionnements éventuellement constatés ou le cas échéant d'absence de contrôles effectués dans cette école.
La commission relève, à titre liminaire, que la présente demande s'inscrit dans le cadre d'une série de demandes au sens du deuxième alinéa de l'article L342-1 du code des relations entre le public et l'administration, portant sur des documents de même nature et ayant le même objet, adressées par le même demandeur à vingt-cinq directions des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN). En application des dispositions de l'article précité et du sixième alinéa de l'article R343-3-1 du code des relations entre le public et l'administration, la commission ne peut être saisie que d'un refus de communication opposé au demandeur, cette saisine valant recours administratif préalable obligatoire pour chacune des demandes correctement identifiées ayant fait l'objet d'un refus de communication et pour laquelle il a été satisfait à la condition d'information de l'administration concernée prévue par le troisième alinéa de l'article L342-1, et elle n'émet qu'un avis. L'avis ainsi émis dégage les principes de communication communs aux documents demandés et s'applique à l'ensemble des demandes rattachées à cette série.
1. En ce qui concerne les questions liminaires :
La commission rappelle, en premier lieu, qu’une demande de communication de documents administratifs qui lui est adressée est déclarée sans objet lorsque l'autorité saisie communique spontanément le document demandé postérieurement à l’enregistrement de la demande ou lorsqu'il résulte des indications fournies par cette autorité que le document demandé n'a jamais existé, a été détruit ou a été égaré.
La commission indique, en deuxième lieu, que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, n° 152393). En revanche, la commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, publié aux Tables, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être interprétée de façon objective.
La commission précise, en troisième lieu, que le refus de communication n’est pas établi et la demande d’avis est déclarée irrecevable, lorsque l’administration saisie d’une demande de communication, communique spontanément dans les délais qui lui sont impartis le document sollicité au demandeur.
2. En ce qui concerne les principes de communication des documents sollicités :
S'agissant du point 3) de la demande, la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées.
Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur le point 3) de la demande, qui porte en réalité sur des renseignements.
S'agissant du surplus de la demande, la commission précise qu’un rapport d’enquête ou un audit réalisé par ou à la demande de l'autorité responsable du service public est un document administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), communicable à toute personne qui en fait la demande en vertu de l'article L311-1 de ce code, sous une double réserve.
D'une part, ce rapport doit être achevé, c'est-à-dire remis à son commanditaire. La commission précise également qu’un rapport ne peut revêtir un caractère préparatoire au sens de l'article L311-2 du même code, que lorsqu'il est destiné à éclairer l'autorité administrative en vue de prendre une décision administrative déterminée et que cette décision n’est pas encore intervenue, ou que l’autorité administrative n’a pas manifestement renoncé à la prendre à l'expiration d'un délai raisonnable.
D'autre part, elle rappelle qu’en application de l'article L311-6 du même code, ne sont toutefois communicables qu'à l'intéressé les éléments qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, qui font apparaître un comportement d'une personne physique ou morale dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, ou dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée. La communication de ces documents ne peut donc intervenir qu’après disjonction ou occultation des mentions qui porteraient atteinte à l’un de ces intérêts et sous la réserve qu’une telle disjonction ou occultation ne conduise pas à priver de son sens le document sollicité.
La commission relève que ces rapports, en tant qu’ils soulignent les éventuels manquements des établissements d’enseignement scolaire privés hors contrat à leurs obligations, lesquels sont susceptibles de poursuites ou de sanctions, sont de nature à porter atteinte à la réputation desdits établissements et font, dès lors, apparaître le comportement d’une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice au sens du 3° de l'article L311-6 du CRPA.
Compte tenu de l’objectif de transparence poursuivi par le droit d’accès consacré par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, qui a valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel n° 2020-834, du 3 avril 2020), la commission considère toutefois que la communication d’un document administratif ne saurait en principe être refusée au seul motif qu’il ferait apparaître de la part d’un établissement d’enseignement scolaire privé hors contrat dans l’exercice de sa mission d’instruction et d’éducation, un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. Les mentions de ces rapports qui procèdent à une évaluation critique du fonctionnement des établissements d’enseignement scolaire privés hors contrat sans mettre en cause à titre personnel leurs salariés ou leurs dirigeants, n'ont donc pas à être occultées (avis de partie II n° 20217291 du 10 mars 2022).
La commission émet donc, sous l'ensemble de ces réserves, un avis favorable à la communication des rapports de visite visés au point 1), ainsi qu'à l'historique de ces rapports mentionné au point 2), sous réserve, pour ce dernier, que le document existe ou soit susceptible d’être obtenu par un traitement automatisé d’usage courant.
La commission émet par suite un avis favorable à la demande, sous ces réserves.
3. Application de ces principes au cas d’espèce :
En réponse à la demande d'observations qui lui a été adressée, la directrice académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde a indiqué à la commission avoir transmis à Madame X, par un courrier daté du 20 juin 2023, trois rapports et une mise en demeure relatifs à la situation de l'école Saint-Georges à Bruges. La commission n'ayant toutefois pas pu prendre connaissance des occultations auxquelles il a été procédé, invite l'administration à réexaminer la demande au regard des principes qui viennent d'être rappelés.
La commission note enfin que la directrice académique ne détient pas les documents relatifs aux autres établissements scolaires sur lesquels porte la demande. Elle rappelle toutefois qu'il appartient à l’administration saisie, dans le cas où elle n'est pas en possession des documents demandés, de transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, à l’autorité administrative susceptible de les détenir, en l'espèce le rectorat de l'académie de Bordeaux, et d'en aviser Madame X, en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration.