Avis 20233230 Séance du 06/07/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 mai 2023, à la suite du refus opposé par le président-directeur général de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique à sa demande de copie, dans un format numérique ouvert et réutilisable, de l'ensemble des factures, bons de commandes et virements, émis ou reçus, liés au projet StopCovid/TousAntiCovid. La commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455, du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. Enfin, la commission rappelle que les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics. En l'espèce, la commission constate que les documents sollicités, qui se rapportent à l'exécution d'un marché de prestation de service, sont communicables au demandeur, sous la réserve tenant au secret des affaires, appréciée dans les conditions rappelées ci-dessus. Elle émet, sous cette réserve, un avis favorable à la demande. La commission, qui a pris connaissance des observations du président-directeur général de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, prend note des objections de ce dernier quant à la charge de travail lié au traitement de cette demande, compte tenu du volume de documents concernés nécessitant un important travail d'occultation ainsi que du nombre restreint d'agents ayant accès à ces documents, conservés dans plusieurs services. La commission souligne que l’exercice du droit d’accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services de l’autorité à laquelle le demandeur s’adresse et qu'aux termes de l’article L311-2 du même code : « L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. » La commission précise que, par sa décision du 14 novembre 2018 dite Ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France (n°s 420055, 422500), le Conseil d’État a jugé que revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Par sa décision du 17 mars 2022 dite M. K… M… (n° 449620), il a précisé que, pour apprécier le caractère excessif d’une telle charge, il convient de prendre en compte « l’intérêt qui s’attache à [la] communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public ». En l’espèce, il n'est toutefois pas apparu à la commission, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et des éléments portés à sa connaissance, que la demande de Monsieur X présenterait un caractère abusif. Elle souligne, néanmoins, que si le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, l’administration est en revanche fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration est notamment en droit d'inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Alternativement, elle peut convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services.