Avis 20233087 Séance du 22/06/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 mai 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Case-Pilote à sa demande de communication, en sa qualité de conseiller municipal, des documents suivants :
1) le procès-verbal de la commission d'appel d'offres concernant l'attribution des marchés de l'ouvrage hydraulique de moulin à eau ;
2) l'étude réalisée par la société X ainsi que l'estimation des travaux de l'ouvrage hydraulique de moulin à eau ;
3) la liste de tous les marchés et travaux réalisés par la société X sur le territoire de la commune de Case Pilote pour les périodes du 1er avril 2008 au 2 décembre 2010, depuis le 1er janvier 2009 et leur montant ;
4) les arrêtés des permis de construire X (SARL X), X (X) ;
5) les pièces justificatives du conseil municipal du 13 juin 2017, le courrier du 21 avril 2017 (des administrés sollicitant la désaffectation et la cession gratuite du chemin rural de Maniba Piton, la convocation, la note de présentation, le procès-verbal ainsi que l'extrait du procès-verbal validé par le contrôle de légalité) ;
6) les pièces du conseil municipal du 27 mai 2021 (convocation, procès-verbal), extrait du procès-verbal validé par le contrôle de légalité ;
7) les pièces du conseil municipal du 14 avril 2021 (convocation, procès-verbal, note de présentation, extrait du procès-verbal validé par le contrôle de légalité ;
8) les pièces du conseil municipal du 29 juillet 2020 (convocation, note de présentation, procès-verbal et extrait du procès-verbal validé par le contrôle de légalité ;
9) les dépenses de frais d'avocat engagées par la commune conformément au montant inscrit aux comptes administratifs 2020 et 2021 ainsi que les dépenses engagées pour l'année 2022 et les résultats effectifs obtenus ;
10) le contrat de location pour la réalisation du parking du quartier autre bord ainsi que les loyers déjà versés au propriétaire dudit terrain.
En l'absence de réponse du maire de Case-Pilote à la date de sa séance, la commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.
S'agissant des points 1) à 3) de la demande, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
Elle émet, par suite, un avis favorable, sous les réserves qui viennent d'être énoncées, aux documents sollicités aux points 1) à 3) de la demande.
S'agissant des arrêtés de permis de construire demandés au point 4), la commission rappelle que les documents produits et reçus par l’administration en matière d’autorisations individuelles d’urbanisme, telles que les permis de construire, sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration. En vertu du principe de l’unité du dossier, le droit à communication s’applique à tous les documents qu’il contient, qu’ils émanent du pétitionnaire ou aient été élaborés par l’administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code, et qu’ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, soit que la décision ait été effectivement prise, soit que le pétitionnaire ait renoncé à son projet.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable au point 4).
S'agissant des documents visés aux points 5) à 10) la commission rappelle d’abord que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur les demandes mentionnées aux points 9) et 10) portant respectivement sur les résultats obtenus et les loyers déjà versés, qui constituent en réalité des demandes de renseignements.
Elle précise ensuite qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration.
Elle émet par suite un avis favorable à la communication des procès-verbaux du conseil municipal et du contrat mentionné au point 10), s’il a été annexé à une délibération ou un arrêté, sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée ou au secret des affaires.
La commission précise par ailleurs que pour ce qui concerne les dépenses d’avocat mentionnées au point 9) de la demande, elle estime que des factures d’avocat sont couvertes par le secret professionnel, soit un secret protégé par la loi au sens de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, et ne sont donc pas communicables à des tiers (avis du 9 mars 2023 n°20230165). Elle émet donc un avis favorable à la demande sur ce point dans la seule mesure où elle porterait sur les comptes administratifs de la commune et non sur les pièces justificatives.
Enfin, la commission estime que les autres documents mentionnés aux points 5) à 10) sont communicables sur le fondement de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l’occultation des éventuelles mentions dont la communication porterait atteinte à un secret protégé par les articles L311-5 et L311-6 du même code.
A toutes fins utiles, la commission rappelle au maire que que, lorsqu'une demande porte sur un nombre ou un volume important de documents, l'administration est fondée à étaler dans le temps la réalisation des photocopies afin que l’exercice du droit d’accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Les frais de reproduction et d’envoi peuvent être facturés dans le respect des textes en vigueur (article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration et arrêté du 1er octobre 2001), mais non le coût correspondant au surcroît de travail occasionné par la demande. Le paiement de ces frais, dont le demandeur doit être informé, peut être exigé préalablement à la remise des copies.