Avis 20233086 Séance du 22/06/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 mai 2023, à la suite du refus opposé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à sa demande de communication, en sa qualité d'enseignant dans le secondaire et le supérieur dans le cadre de son projet « retour sur l'info », de l’ensemble des documents suivants, sur lesquels porte l’avis défavorable n° 20215197, rendu par la CADA le 25 novembre 2021 : 1) l’ensemble des documents sur lesquels porte l’avis n° 20215197 de la CADA entre la période couverte par la demande et s’étendant à la totalité du mandat de la ministre X, dont les fonctions ont cessé le 20 mai 2022 ; 2) tout document envoyé ou reçu par les membres des cabinets des ministres X et/ou X portant l’un quelconque des noms suivants : Madame X, Monsieur X, Madame X, Madame X, Madame X, Monsieur X, Monsieur X ; 3) tout document, s’il existe, par lequel le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche aurait informé quiconque que la décision avait été prise de ne pas procéder à l’enquête décidée par la ministre. 1. Pour ce qui concerne les documents mentionnés aux points 2) et 3) de la demande : La commission rappelle que le droit d'accès aux documents administratifs défini par le livre III du code des relations entre le public et l’administration ne contraint pas l'administration à effectuer des recherches pour répondre à une demande et que les administrations ne sont pas tenues de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE, 27 septembre 1985, Ordre des avocats au barreau de Lyon c/ X, n° 56543, Lebon 267 ; CE, 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, n° 83477). Elle estime ainsi irrecevables les demandes portant sur des échanges intervenus entre une ou des administrations et une autre administration ou une personne privée, lorsqu’elles sont trop imprécises quant à l'objet des documents demandés (avis n° 20216781 du 16 décembre 2021), quant à leur nature (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à l'administration et/ou ses composantes en cause (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à son ou ses interlocuteurs (avis n° 20194880 du 12 mars 2020 ; n° 20213868 du 15 juin 2021), quant au cadre d'élaboration du document (avis n° 20213868 du 15 juin 2021) ou encore quant à la période de temps visée (avis n° 20213868 du 15 juin 2021). En l'espèce, la commission estime que la demande visée aux points 2) et 3) est formulée de manière trop imprécise pour permettre à l’autorité saisie d’identifier les documents sollicités sans procéder à des recherches approfondies, ainsi que l'a fait valoir le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en réponse à la demande qui lui a été adressée. La commission déclare par suite la demande d’avis irrecevable sur ces points. 2. Pour ce qui concerne les documents mentionnés au point 1) de la demande : La commission rappelle qu'elle s'était prononcée, par un avis n° 20215197 du 25 novembre 2021, défavorablement à la communication de documents relatifs à une enquête, une étude ou des recherches portant sur « l’ensemble des courants de recherche » en lien avec « l’islamo‐gauchisme » (comme évoqué par Madame X le 14 février 2021 sur la chaîne Cnews), ou encore relatifs à « un bilan de l’ensemble des recherches » en vue de « distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion » (comme annoncé par Madame X le 16 février devant l’Assemblée nationale). Cet avis défavorable était motivé par la circonstance, invoquée par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qu'une décision était en cours d'élaboration. La commission précise à cet égard que les documents préparatoires à une décision administrative sont en principe exclus provisoirement du droit à la communication aussi longtemps que cette décision n’est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable. En réponse à la demande qui lui a été adressée, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a indiqué que les documents sollicités, s’ils existent, ne revêtent plus un caractère préparatoire. La commission estime par suite que ces documents, s’ils existent, et à la condition qu'ils puissent être identifiés par l'administration et que la demande ne tende pas en réalité à l'établissement de documents en l'état inexistants, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception des mentions relevant des intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, notamment le secret de la vie privée et le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable. Par ailleurs, la commission rappelle que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par sa décision du 14 novembre 2018, n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Par sa décision du 17 mars 2022, n° 449620, il a précisé que, pour apprécier le caractère excessif d’une telle charge, il convient de prendre en compte « l’intérêt qui s’attache à [la] communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public ». Par sa décision du 27 septembre 2022, n° 451627, il a en outre estimé qu’une charge disproportionnée pouvait provenir de l’ampleur d’occultations à effectuer au sein d’un même document. En l'espèce, à la lumière des principes qui viennent d'être exposés, il n’est pas apparu à la commission, en l'état des informations dont elle dispose, que le traitement de la demande ferait peser sur l’autorité saisie une charge de travail disproportionnée. La commission prend toutefois note que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche fait état des nombreuses demandes que lui a adressées Monsieur X et de leur caractère souvent très imprécis. Elle invite donc ce dernier à faire preuve de discernement et de modération dans l'usage qu'il fait du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Enfin, et à toutes fins utiles, la commission rappelle, comme elle a déjà eu l'occasion de le faire dans son avis n° 20213227, du 8 juillet 2021, que la publication sur un blog des éléments adressés en réponse aux demandes de communication de documents administratifs librement communicables formulées par son intermédiaire, qu’il s’agisse des documents sollicités eux-mêmes, des courriers de réponse des autorités saisies ou des avis de la CADA, constitue une utilisation à d’autres fins que la mission de service public pour laquelle les documents sollicités ont été élaborés et doit donc être regardée comme une réutilisation d'informations publiques au sens de l’article L321-1 du code des relations entre le public et l'administration, quand bien même il ne serait porté aucune modification sur les informations publiques telles que transmises par l'administration. Elle rappelle, qu'une information publique doit, au sens des dispositions précitées, répondre à trois conditions cumulatives : figurer dans un document produit ou reçu dans le cadre d’une mission de service public ; être librement accessible à toute personne ; ne pas être grevée de droits de propriété intellectuelle. La commission en déduit que la référence au « document » figurant à l’article L321-1 du code précité s’entend nécessairement sous réserve des règles régissant la communicabilité partielle de documents, mentionnées à l’article L311-7 de ce code. La commission relève que la consultation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition portant sur des données à caractère personnel constituent un traitement de données au sens de l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (« loi CNIL ») et de l’article 4 du RGPD. Par suite, une administration répondant à une demande d’accès à un document administratif contenant des données de cette nature doit ainsi être regardée comme un responsable de traitement. Elle est toutefois dispensée de requérir, avant toute communication ou publication, le consentement préalable des personnes concernées, en principe exigé par l'article 5 de la loi CNIL et l'article 6 du RGPD, dès lors qu'il s'agit, pour elle, de respecter l'obligation légale de procéder à la communication de documents administratifs découlant des dispositions du code des relations entre le public et l’administration. La commission relève, d’autre part, que le responsable d'un blog, en tant que réutilisateur d’informations publiques incluant des données à caractère personnel, doit également être regardé comme un responsable de traitement de données à caractère personnel. La commission entend donc rappeler les obligations qui lui incombent. Elle précise, en effet, que le responsable de traitement doit, aux termes de l'article L322-1 du code des relations entre le public et l’administration, veiller à ce que les informations publiques réutilisées ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées. En outre, la réutilisation d'informations publiques comportant, comme en l’espèce, des données à caractère personnel est subordonnée au respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (art. L322-2) et du règlement (UE) 2016/679 du Parlement et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD). A ce titre, le responsable du traitement doit être en mesure de démontrer que le projet respecte les principes relatifs au traitement des données à caractère personnel définis à l'article 4 de la loi du 6 janvier 1978 et à l'article 5 du RGPD (traitement loyal et transparent, qui poursuit une finalité déterminée explicite et légitime avec des données adéquates, pertinentes et limitées à la réalisation de la finalité, pour une durée limitée et dans des conditions sécurisées) et que le projet est licite, c'est-à-dire qu'il répond à une des conditions posées par le 1. de l'article 6 du RGPD : la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques ; le traitement est nécessaire à l'exécution d'un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l'exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ; le traitement est nécessaire au respect d'une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ; le traitement est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne concernée ou d'une autre personne physique ; le traitement est nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement ; le traitement est nécessaire aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers, à moins que ne prévalent les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée qui exigent une protection des données à caractère personnel, notamment lorsque la personne concernée est un enfant. La commission relève que les articles 13 et 14 du RGPD définissent les obligations d'information à la charge d'un responsable de traitement lorsqu'il collecte des données personnelles, selon que cette collecte a été effectuée ou non auprès de la personne concernée. Le chapitre II du titre II du RGPD porte, quant à lui, sur les droits de la personne concernée, qui disposent en particulier d’un droit d’opposition à la diffusion de données à caractère personnel les concernant, qu’ils peuvent faire valoir, s’ils le jugent utile. La commission insiste sur la nécessité de prendre l’ensemble des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés ainsi que les intérêts légitimes des personnes concernées et rappelle que la CNIL attache une attention particulière au respect de ces principes. La commission rappelle, en outre, que toute réutilisation contraire expose le réutilisateur aux sanctions civiles, administratives et, dans certains cas, pénales attachées à de telles pratiques.