Avis 20233026 Séance du 22/06/2023
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 mai 2023, à la suite du refus opposé par le maire du Tampon à sa demande de communication d'une copie des fiches de paie anonymisées des attachés territoriaux employés par la commune de 2017 à 2022.
Après avoir pris connaissance de la réponse du maire du Tampon à la demande qui lui a été adressée, la commission rappelle que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que, si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime.
En application de ces principes, la commission estime que les composantes fixes de la rémunération (par exemple, l'indice du traitement, la nouvelle bonification indiciaire ou encore les indemnités de sujétion) figurant sur les bulletins de salaire sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande. Doivent en revanche être occultés, en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l’administration, les éléments y figurant qui seraient liés, soit à la situation familiale et personnelle de l'agent en cause (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur sa manière de servir (montant du RIFSEEP et plus généralement primes pour travaux supplémentaires et primes de rendement) ou encore de celles relatives aux horaires de travail, aux indemnités et heures supplémentaires. Il en serait de même, dans le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent. En outre, dans le cas où le montant total de la rémunération doit être occulté, les rubriques de paye qui permettraient, par une opération simple, de reconstituer ce montant, telles que les montants de cotisations sociales ou les cumuls de paie, doivent également faire l'objet d'une occultation. Les mentions intéressant la vie privée des agents (date de naissance, adresse personnelle, situation familiale, numéro de sécurité sociale, dates de congés, etc.) doivent également être occultées en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
Dans son avis de partie II, n° 20210741, du 11 février 2021, la commission a par ailleurs fait évoluer sa position en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considère désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procèderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée.
Enfin, s'agissant des mentions supplémentaires présentes sur le bulletin de paye des agents publics depuis l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, la commission estime que la mention du taux d'imposition, qui apparaît soit comme un taux personnalisé soit comme un taux « neutre », est susceptible, d'une part, de permettre la révélation d'informations liées à la situation personnelle et familiale de l'agent concerné, notamment par le biais de croisement de ces informations avec d'autres éléments disponibles. D'autre part, le taux d'imposition constitue une information propre à la situation fiscale de l'agent qui relève du champ d'application de l'article L103 du livre des procédures fiscales, dispositions particulières dérogeant au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, et de la vie privée.
La commission observe que Madame X sollicite des fiches de paie anonymisées des attachés territoriaux de la collectivité territoriale qui l'emploie. Elle estime, eu égard au nombre limité des agents concernés et à la circonstance que la demanderesse connaît ces agents, que l'anonymisation des documents sollicités ne serait pas suffisante pour prévenir tout risque d’identification de ces derniers. Elle considère dès lors que la communication ne peut se faire que sous les réserves précédemment indiquées. La commission émet donc, sous l'ensemble de ces réserves, un avis favorable à la demande.
La commission précise que la seule circonstance qu’un contentieux soit en cours devant le juge administratif ne suffit pas à regarder la communication des documents sollicités comme étant de nature à porter atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions, au sens du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Cette restriction au droit d’accès ne trouve en effet à s’appliquer que lorsque la communication des documents serait de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, à retarder le jugement de l’affaire, à compliquer l’office du juge, ou à empiéter sur ses compétences et prérogatives, ce qui ne paraît pas être le cas en l’espèce.