Avis 20233023 Séance du 22/06/2023
Monsieur X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 mai 2023, à la suite du refus opposé par le président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes à sa demande de communication des documents suivants :
1) les factures correspondant aux diners ou repas des « Sommets » pris en charge par la région Rhône-Alpes dont le dernier s'est tenu le 23 juin 2022 à Odenas, et les autres diners des « Sommets », sur les exercices 2022 à 2017 ;
2) pour chacun de ces repas, la liste des invités avec leurs qualités/justifications de leur présence, les menus ainsi que le sujet motivant ces réunions tel qu'il apparait notamment sur les invitations.
La commission rappelle, en premier lieu, qu’il résulte de l’article L4132-16 du code général des collectivités territoriales que toute personne a le droit de demander communication des délibérations et procès-verbaux des séances publiques du conseil régional, des délibérations de la commission permanente, des budgets et des comptes de la région ainsi que des arrêtés du président. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. La commission prend en revanche acte de la décision du 8 février 2023 n° 452521 par laquelle le Conseil d’État a jugé que le droit de communication qu’instituent ces dispositions ne s’étend pas aux pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité qu’il appartient à l’ordonnateur et au comptable public de conserver, en vertu des dispositions de l’article 52 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
La commission en déduit que les reçus, justificatifs, devis, factures et notes de frais de séjour, frais de déplacement, frais de carburant, frais de péage et frais de restauration sont des pièces justificatives de dépenses qui constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration (CE 8 février 2023, n° 452521, Ville de Paris). Elle précise que si le prix global d'une prestation apparaissant sur une facture ou un devis est communicable à toute personne qui en fait la demande sur le fondement des dispositions précitées, il en va autrement du détail des prix unitaires, qui est susceptible, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé, et doit donc être occulté avant toute communication, pour préserver le secret des affaires (avis n° 20221246 et n° 20221455 du 21 avril 2022).
La commission relève ensuite que les notes de frais et reçus de déplacements ainsi que les notes de frais de restauration et reçus de frais de représentation d’élus locaux ou d’agents publics constituent des documents administratifs, communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. La commission précise que la communication des mentions faisant le cas échéant apparaître l’identité et les fonctions des personnes invitées ne porte pas atteinte, par principe, à la protection de vie privée de ces autres personnes. Il appartient à l’autorité administrative d’apprécier au cas par cas, à la date à laquelle elle se prononce sur une demande de communication, si, eu égard à certaines circonstances particulières tenant au contexte de l’évènement auquel un document se rapporte, la communication de ces dernières informations ou celle du motif de la dépense serait de nature, par exception, à porter atteinte aux secrets et intérêts protégés par les articles L311-5 et L311‑6 du code des relations entre le public et l’administration, justifiant alors leur occultation.
En l'espèce, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes a informé la commission qu'il maintenait son refus de communication des documents sollicités en faisant valoir qu'une enquête préliminaire a été ouverte par le Parquet national financier, de sorte que la communication des documents porterait atteinte au f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration.
La commission rappelle, dune part, que ces dispositions font obstacle à la communication de documents dans l'hypothèse où celle-ci est de nature à porter atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente » et, d'autre part, que si la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle, ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle, ne fait pas obstacle à la communication de ces documents, est en revanche exclue la communication des documents administratifs, sauf autorisation donnée par l’autorité judiciaire ou par la juridiction administrative compétente, dans l’hypothèse où cette communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de cette autorité ou de cette juridiction (CE, 21 octobre 2016 n° 380504). Il appartient, dans cette hypothèse, à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document, de déterminer, à la date à laquelle elle se prononce, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité.
En l'espèce, en l'état des informations portées à sa connaissance, la commission estime que le risque d'atteinte au déroulement de la procédure engagée devant le Parquet national financier n'est pas suffisamment caractérisé pour faire obstacle à la communication des documents sollicités. Elle émet donc un avis favorable à la demande, sous les réserves précitées, et elle invite l'autorité saisie à apprécier, pour chacun des documents sollicités, si eu égard aux circonstances particulières tenant notamment au contexte de l’évènement auquel il se rapporte, les informations qu'il contient sont en tout ou partie de nature à porter atteinte au déroulement de la procédure juridictionnelle en empiétant sur les prérogatives de l'autorité judiciaire.
La commission émet donc, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.