Avis 20232912 Séance du 22/06/2023

La maire de Paris a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 avril 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des finances publiques à sa demande de communication des documents suivants : 1) les diligences mises en œuvre afin de vérifier que l'engagement pris par l'acquéreur a été tenu dans le délai de quatre ans ; 2) à défaut, les documents établissant une prorogation de ce délai ou le reversement des montants de droits de mutation à titre onéreux (DMTO à la Ville de Paris), relatifs aux quatre dossiers listés ci-dessous : a) restitution faite en 2016 d'un montant de 13.108.876 € pour la part départementale et 4.139,645 € pour la part communale, pour le compte de la SCI du X. Le lieu d'imposition est situé au X (Paris 8ème arrondissement). b) restitution faite en 2017 d'un montant de 2.721.117 € pour la part départementale et 859.300 € pour la part communale pour le compte de la SCI du X dont l'engagement d'achèvement des travaux dans un délai de quatre ans a été pris dans un acte complémentaire du 25 juin 2014. Le lieu d'imposition est situé au X-X et X (Paris 8ème arrondissement). c) restitution faite en 2019 d'un montant de 1.199.875 € pour le compte de la Société X dont l'engagement d'achèvement des travaux dans un délai de quatre ans a été pris dans un acte complémentaire du 20 janvier 2016. Le lieu d'imposition est situé au X (Paris 4ème arrondissement). d) restitution faite en 2021 d'un montant de 1.795.500 € pour le compte de la SAS X dont l'engagement d'achèvement des travaux dans un délai de quatre ans a été pris dans un acte datant du 30 mai 2016. Le lieu d'imposition est situé au X et X (Paris 4ème arrondissement). A titre liminaire, la commission rappelle que selon le I de l'article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique : « Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration (…), les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public. / Les informations figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées par toute administration mentionnée audit premier alinéa de l'article L300-2 qui le souhaite à des fins d'accomplissement de missions de service public autres que celle pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus ». La commission a précisé la portée de ces dispositions pour les collectivités territoriales et leurs groupements en considérant que la notion d’accomplissement des missions devait être appréciée au regard du principe de spécialité auquel ils sont ou non soumis (avis de partie II n° 20170422, du 23 mars 2017 ; avis de partie II, n° 20170713, du 6 avril 2017). En l’espèce, la commission relève que la demande de X est motivée par la volonté d’obtenir des informations sur l’assiette de droits de mutation à titre onéreux, afin de s’assurer de la correcte application des hypothèses d’exonération prévues par l’article 1594-0 G du code général des impôts. La commission constate que les documents sollicités ne s’inscrivent pas directement dans le cadre de l’accomplissement des missions de service public de la mairie de Paris, les services de l'État étant seuls compétents pour procéder à l’établissement et à la perception de ces impositions. Toutefois, elle relève que les départements et les communes sont les bénéficiaires directs et exclusifs de ces recettes fiscales, qui entrent dans la catégorie de leurs ressources propres et contribuent au financement des activités de service public qui leur sont confiées. Elle estime, dès lors, qu’une demande de communication des documents permettant de vérifier l’assiette de ces impositions, laquelle a une incidence sur le montant des droits dus, doit être regardée comme se rattachant à l'accomplissement de leurs missions de service public. En l’espèce, la commission estime que les documents administratifs sollicités sont de nature à fournir à la mairie de Paris des informations relatives à la détermination de l’assiette des droits de mutation à titre onéreux dont elle est attributaire. Elle en déduit que ces documents doivent être regardés comme étant demandés pour l’accomplissement de sa mission de service public au sens de l’article 1er de la loi du 7 octobre 2016 précitée. La commission considère par suite que X peut se prévaloir de l’article 1er de la loi du 7 octobre 2016 précitée à l’égard de la direction générale des finances publiques. Pour ce qui concerne en premier lieu le point 1), la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur ce point de la demande, qui porte en réalité sur des renseignements. En deuxième lieu, en réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des finances publiques a indiqué à la commission qu'aucune restitution de droits n'avait eu lieu pour les quatre dossiers identifiés par X. La commission ne peut, dès lors, que déclarer le point 2) de la demande, en tant qu’il porte sur le reversement de droits, comme étant sans objet. Pour ce qui concerne en troisième lieu le surplus de la demande, relatif aux prorogations de délai qui ont pu être accordées aux contribuables dans les dossiers visés, le directeur général des finances publiques a indiqué à la commission maintenir son refus de communication à raison du secret fiscal. La commission rappelle, d’une part, que le droit de communication dont bénéficient les administrations sur le fondement de l’article 1er de la loi du 7 octobre 2016 s’exerce dans le respect des secrets protégés par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration. La commission rappelle d’autre part, qu’au nombre des secrets protégés par la loi visés au h) du 2° de l'article L311-5 de ce code, figure le secret professionnel auquel l’article L103 du livre des procédures fiscales soumet « toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts » et qui « s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations ». La commission estime que les informations concernant un contribuable recueillies dans le cadre de leur mission d'établissement de l'assiette de l'impôt par les agents de la Direction générale des finances publiques, sont couvertes par le secret professionnel qui s'impose à eux en application de l'article L103 du livre des procédures fiscales. Ces informations ne sont, dès lors, pas communicables aux tiers en l’absence d’accord exprès de la part du contribuable intéressé, en dehors de l’hypothèse où le tiers serait débiteur solidaire de cet impôt. En l’espèce, la commission relève que l'application de l'exonération de taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement aux ventes soumises à la TVA de terrains à bâtir ou de biens assimilés est subordonnée à la condition prévue à l'article 1594-0 G du code général des impôts que l'acte d'acquisition contienne l'engagement par l'acquéreur d'effectuer, dans un délai de quatre ans, les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257 du même code ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé. Une prorogation annuelle de ce délai peut être accordée par le directeur départemental ou régional des finances publiques du lieu de situation de l'immeuble en application du IV bis de l'article 1594-0 G du code général des impôts. Cette prorogation doit, notamment, rappeler les circonstances de l'engagement initial et les éléments de fait qui justifient que son échéance doive être retardée. Cette prorogation précise également la consistance des travaux concernés ainsi que le montant des droits dont l'exonération demeure subordonnée à la réalisation de la construction envisagée La commission estime que les informations relatives à la prorogation du délai imparti au contribuable pour effectuer les travaux justifiant l’exonération s'inscrivent dans le cadre des missions relatives à l'établissement et au contrôle de l'impôt des agents de la Direction générale des finances publiques. Ces informations sont par suite couvertes par le secret professionnel qui s'impose à eux en application de l'article L103 du livre des procédures fiscales et ne sont dès lors pas communicables à un tiers. La commission émet par conséquent un avis défavorable au surplus de la demande.