Avis 20232818 Séance du 22/06/2023

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 9 mai 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, du dossier conservé aux Archives nationales sous la cote suivante : Sous-direction des naturalisations X - Dossier n°X : complément du dossier X de demande de naturalisation de X, né le X à Saint-André-de-Mascara (Algérie). 1970 ; 1990-2018. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines a indiqué à la commission que son refus était motivé par le fait que le ministère de l'Intérieur, dont l'avis est requis par l'article L213-3 du code du patrimoine, a notifié son opposition au motif que la consultation des documents demandés serait de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi, en particulier à la vie privée de personnes nommément désignées.Tenu par les dispositions de l'article L213-3 précitées, le directeur général des patrimoines et de l'architecture ne pouvait par conséquent qu'opposer un refus à cette demande. Ce dernier a également indiqué qu'il partage la même analyse que le service producteur en précisant, par ailleurs que les informations conservées dans ce sous-dossier n’avaient pas de lien avec la demande de Madame X, qui s’inscrit dans une démarche généalogique personnelle. La commission rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, conformément aux dispositions du 3° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la communication porterait à la protection de la vie privée ne deviennent librement communicables qu'à l'expiration d'un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier. La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20150939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En l'espèce, la commission relève que la demande porte sur un sous-dossier, constitué d’échanges entre des tiers et l’administration sur une période courant de 1990 à 2018 et ayant pour objet l’accès au dossier de naturalisation de Monsieur X. Ce sous-dossier a donc été constitué bien après la clôture du dossier de demande de naturalisation, et n’a pas de rapport organique avec la procédure de naturalisation dont fait l'objet Monsieur X. Elle note, en outre, que le sous-dossier visé par la demande d’accès est couvert par le secret de la vie privée, et, à ce titre, soumis à un délai de communication de cinquante ans, conformément aux dispositions du 3 du I de l’article L213-2 du code du patrimoine. Compte tenu de l’atteinte portée à la vie privée de tiers mentionnés dans le sous-dossier, à son caractère relativement récent, et en l’absence de précision sur les motivations de la demande, la commission estime que la consultation anticipée du sous-dossier en cause porterait une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet donc un avis défavorable à la consultation par dérogation des documents précités.