Avis 20232816 Séance du 22/06/2023
Le maire de Lyon a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 9 mai 2023, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à sa demande de communication des documents suivants:
1) par semestre depuis l'année 2000 sur le territoire de Lyon :
a) le nombre de départs des policiers nationaux sur la circonscription de Lyon ;
b) et le nombre d'arrivées des policiers nationaux sur la circonscription de Lyon ;
c) la répartition des nouveaux effectifs arrivants dans les différents services de la police nationale ainsi que dans les commissariats sur la circonscription de Lyon ;
d) ainsi que la répartition des effectifs en 2022 dans les différents services de la police nationale ainsi que dans les commissariats sur la circonscription de Lyon ;
2) par mois depuis l'année 2000 sur le territoire de Lyon :
a) les infractions à la législation sur les stupéfiants (index 55 à 58) avec une demande sur le nombre dé faits constatés et le nombre de mis en cause ;
b) les violences faites aux femmes, que ce soit dans la sphère privée ou sur l’espace public (index 10, 6, 51, 46, 47, 48, 49, 51, 52, 12) ;
c) les délits liés aux débits de boissons, infraction à la réglementation alcool et tabac (index 59) ;
d) la part de la délinquance juvénile, en particulier dans les infractions révélées par l’action des services (index 55 et 58, 44, 74 et 45), dans les atteintes aux personnes (index 1, 4, 7, 8, 10, 11, 12, 16, 18 à 26, 46 à 49, 52 et 73) et dans les atteintes aux biens (index 27 à 31, 32, 42, 43, 33, 39, 40, 41, 62, 63, 66 à 68, 50 et 72) avec une demande sur le nombre de faits constatés, la part des mineurs non accompagnés, par tranche d’âge ;
e) les achats d’actes sexuels avec le nombre de contraventions dressées et le nombre d'interpellations de clients (pour l’infraction « recours à la prostitution » prévue à l’article 225-12-1 du code pénal), ainsi que le nombre d’enquêtes ouvertes sur les filières de prostitution.
En l’absence de réponse du ministre de l'intérieur et des outre-mer à la date de sa séance, la commission rappelle, à titre liminaire, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique : « I.-Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et sans préjudice de l'article L114-8 du même code, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public ».
La commission constate que la demande de communication est motivée par la volonté du maire de Lyon d'obtenir des indicateurs de suivi et de résultat pour mesurer les actions menées dans le cadre du service public de la police administrative municipale, ainsi que de disposer de données statistiques dans le cadre du pilotage par la mairie de l'observatoire de la tranquillité. La commission estime que cette demande entre dans le champ d'application de l'article 1er de la loi du 7 octobre 2016 et qu'elle est donc compétente pour émettre un avis sur le refus dont elle a été saisi.
La commission rappelle, ensuite, que les statistiques anonymisées résultant de l'action de l'administration sont des documents ou données communicables à toute personne qui en fait la demande sur le fondement de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, si elles existent en l'état ou si elles peuvent être obtenues par extraction d'une base de données existante.
La commission considère ainsi que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Ministre d'État, Ministre de l’éducation nationale, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection, n° 152393). En revanche, la commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, publié aux Tables, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être interprétée de façon objective.
La commission précise, à ce titre, que les informations demandées doivent pouvoir être obtenues par un traitement automatisé de données, sans retraitements successifs, en particulier par des interventions manuelles. Elle estime également que, lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel le fichier informatique dans lequel elles sont contenues a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut alors être regardé comme constituant un document administratif existant (avis n° 20222817, 20222850 et 20222936 du 23 juin 2022). Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document (conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013) et, par suite, être déclarée irrecevable.
La commission considère en l'espèce que les données statistiques sollicitées sont librement communicables sous réserve qu’elles existent en l'état ou soient susceptibles d’être obtenues par un traitement automatisé d’usage courant et sous réserve que la communication de ces éléments ne porte pas atteinte à un secret protégé en application des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et notamment le secret de la vie privée et la réserve tenant au comportement des personnes.
Elle émet donc, sous l'ensemble de ces réserves, un avis favorable à la demande.