Avis 20232707 Séance du 22/06/2023
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 2 mai 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Compans à sa demande de copie du grand livre des comptes de la commune pour l'année 2021, par comptes (avec pages numérotées) pour les dépenses et recettes de fonctionnement et d'investissements, sans occultations excessives des lignes de comptes suivants :
1) article 6188 « Autres frais divers » ;
2) article 7067 « Redevances et droits des services périscolaires et d'enseignement » ;
3) article 70688 « Autres produits de prestations de services » ;
4) article 752 « Revenus des immeubles » ;
5) article 165 « Dépôts et cautionnements reçus ».
La commission, qui a pris connaissance des observations du maire de Compans, rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration.
La commission précise que si l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales a institué un régime spécifique d'accès aux documents des communes, distinct du régime général d'accès aux documents administratifs organisé par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, et si les exceptions au droit d'accès prévues à l'article L311-6 de ce code ne sont pas opposables à une demande présentée sur le fondement de ces dispositions spéciales, l'exercice de ce droit d'accès particulier ne saurait faire obstacle, par principe, à la protection de secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée (CE, 10 mars 2010, n° 303814 ; conseil n° 20121509 du 19 avril 2012 et conseil n° 20123242 du 27 septembre 2012), le secret médical (conseil n° 20122788 du 26 juillet 2012), le secret des correspondances échangées entre le client et son avocat (avis n° 20111095 du 14 avril 2011), ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
La Commission estime que le grand livre de comptes entre dans le champ d'application des documents administratifs communicables en application de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, sous réserve de l’occultation préalable des mentions couvertes par un de ces secrets protégés (CE, 27 septembre 2022, n° 452614).
Elle précise, à cet égard, que si les noms et prénoms d'une personne physique sont des données à caractère personnel, ces mentions ne sont, en elles-mêmes, pas protégées par le secret de la vie privée. Elle en déduit, s'agissant du grand livre de comptes, que ces données ne doivent en principe être occultées qu'au cas par cas, si, par recoupement avec les autres informations du document, elles sont de nature à porter atteinte au secret de la vie privée et au secret médical des personnes intéressés, ou si elles révèlent une appréciation ou un jugement de valeur d'ordre individuel sur ces personnes ou encore si elles font apparaître de leur part un comportement dont la divulgation serait susceptible de leur porter préjudice. En revanche, elle estime, s'agissant de contrats de la commande publique, que le nom des sociétés prestataires et l’objet des prestations, n'est pas couvert par le secret des affaires et n'a pas à être occulté.
En application de ces principes, la Commission a par exemple considéré que les mentions du grand livre de comptes relatives aux frais de déplacement du personnel ou aux rémunérations versées aux agents, ne relèvent en elles-même pas d'un secret protégé et peuvent, dès lors, être intégralement communiquées aux tiers (conseil n° 20215036, du 4 novembre 2021 ; avis n° 20191375, du 18 juillet 2019). En revanche, elle estime de manière constante que l'identité des agents mentionnée dans l'article relatif à la médecine du travail et aux frais médicaux doit être occultée au titre du secret médical (mêmes avis). Elle considère, de façon plus générale, que lorsque le nom d'un tiers est associé à une opération comptable, ces données identifiantes doivent être occultées, dès lors que leur divulgation à un tiers est susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la loi. Tel est le cas, par exemple, des bénéficiaires d'une aide ou d'une allocation ou des personnes redevables d'un trop-perçu.
La commission rappelle ensuite qu'en vertu de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, il appartient à l'autorité saisie d'une demande de communication d'occulter ou de disjoindre chacune des mentions couvertes par un secret protégé, préalablement à la communication d'un document librement communicable à toute personne, à condition que ces occultations ou disjonctions ne privent pas de sens le document ou d'intérêt la communication.
Elle relève, que dans sa décision du 27 septembre 2022, n° 452614, le Conseil d’État a estimé, s'agissant d'une demande de communication des fichiers de comptabilisation des titres de recettes et mandats de paiement émis par un département au titre de trois années, se présentant sous la forme de tableaux retraçant au total plus de 300 000 mandats de paiement et 75 000 titres de perception, que ces documents pouvaient être communiqués à des tiers après suppression, au sein de chaque fichier, de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables, telles que par exemple celles intitulées « nom bénéficiaire » ou « objet liquidation ». Après avoir relevé que des tiers pouvaient être associés à chaque opération comptable tels que, par exemple, les bénéficiaires de dépenses relatives à l'action sociale, d’insertion ou en matière de santé menée par le département, le Conseil d’État a estimé qu'il ne revenait pas à l’administration d’opérer, sur des documents d’un tel volume, une vérification ligne à ligne des informations potentiellement protégées, cette recherche représentant une charge disproportionnée au regard des moyens à disposition.
La commission estime que cette solution, qui déroge au principe de l'occultation des seules mentions protégées, doit être interprétée strictement. Il revient en conséquence à l’administration d’apprécier concrètement, compte tenu des circonstances de l’espèce, si le volume et le contenu du grand livre de comptes demandé justifient la suppression de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables. Ce n’est ainsi qu’au cas par cas qu'une telle disjonction pourra être réalisée.
En l'espèce, il n'apparaît pas à la commission que la demande de communication soulèverait des difficultés de traitement pour la commune de Compans justifiant l'occultation de l'identité de tous les tiers, débiteurs ou créditeurs. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire de Compans a précisé que les lignes de comptes dont la communication est demandée comportent des mentions couvertes par le secret de la vie privée ou faisant apparaître le comportement d'une personne dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. La commission en prend acte. N'ayant toutefois pas pu prendre connaissance de ce document dans sa version non occultée, la commission invite le maire de Compans à réexaminer ce document au regard des principes rappelés ci-dessus. Dans l’éventualité où les occultations seraient dans leur ensemble justifiées, la commission ne pourrait qu'émettre un avis défavorable à la demande d’avis. Dans le cas contraire, la commission émettrait un avis favorable sous les réserves précitées.