Avis 20232630 Séance du 01/06/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 2 mai 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines et de l’architecture à sa demande de communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, des documents liés aux politiques publiques en matière de cybersécurité en France (demande n° 1479781), conservés aux Archives nationales sous la cote : 20100149/32 (1 sous-dossier) Dossier « SSI », sous-dossier « Les enjeux de la sécurité des systèmes d'information » (2001). La commission, qui a pris connaissance de la réponse du directeur général des patrimoines et de l'architecture, rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions fixés par l'article L213-2 du même code. La commission précise ensuite qu’en application du 3° de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la communication porterait atteinte à la sûreté de l’Etat ou à la sécurité publique deviennent librement communicables à l'issue d'un délai de 50 ans après la date du document le plus récent inclus dans le dossier. La commission ajoute que lorsqu’un dossier d’archive comporte un ou plusieurs documents qui ne sont pas librement accessibles, cette circonstance rend incommunicable l’ensemble des documents inclus dans le dossier, avant l’expiration de tous les délais destinés à protéger les divers intérêts publics ou privés en présence (avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021). La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines et de l'architecture a indiqué à la commission que son refus était justifié par le fait que le ministre de l'intérieur, dont l'avis est requis par l'article L213-3 du code du patrimoine, lui a notifié son opposition à cette communication dans la mesure où elle serait de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Tenu par les dispositions de l'article L213-3 du code du patrimoine, il ne pouvait donc qu'opposer un refus à la demande de Monsieur X. La commission relève en l’espèce que Monsieur XX, souhaite accéder aux documents en cause dans le cadre de la préparation d’un ouvrage sur les politiques publiques en matière de cybersécurité en France, sujet dont il souligne l’intérêt et le peu de recherches dont il fait l’objet à ce jour. L’intéressé a par ailleurs signé un engagement à ne pas révéler les informations non librement communicables qui seraient portées à sa connaissance. La commission estime ainsi que l’intérêt légitime du demandeur à consulter les dossiers identifiés est en l’espèce établi. Toutefois, la commission observe que les dossiers en cause sont soumis à un délai de libre communication de 50 ans, en application du 3° de l’article L213-2 du code du patrimoine, de sorte qu’ils ne deviendront librement communicables qu’en 2052. Elle souligne en outre que ces dossiers contiennent des informations qui peuvent légitimement être estimées toujours très sensibles, dans la mesure où les procédures opérationnelles qui y sont décrites sont toujours en vigueur pour permettre d'assurer la sécurité des systèmes d'information de l'Etat et de leurs infrastructures vitales. Elle relève à cet égard que le directeur général des patrimoines et de l’architecture lui a indiqué qu’après analyse du contenu des dossiers demandés, il estimait également que, malgré l’écoulement du temps et même en l’absence de documents classifiés au titre du secret de la défense nationale, la consultation serait de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. Au terme de la mise en balance des intérêts en présence, la commission considère ainsi qu’en dépit de l’intérêt légitime de Monsieur X, la consultation, par anticipation aux délais légaux de libre communicabilité, des documents demandés est de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. La commission émet dès lors un avis défavorable.