Avis 20232515 Séance du 01/06/2023
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 26 avril 2023, à la suite du refus opposé par le maire de la Grande-Motte à sa demande de copie, par courrier électronique, alors qu'il lui est proposé la consultation sur place avec comme préalable à la communication des documents la production par mail de sa carte d'identité, des documents suivants :
1) la liste des marchés attribués pour l'office de tourisme (achat de produits pour la revente à l'office de tourisme) sur les 3 dernières années, de 1e à 100 000e, en indiquant précisément la date de notification, l'attributaire, son adresse, le montant attribué, s'il s'agit d'un marché à bons de commande ou sur simple devis ;
2) les contrats signés ou devis signés concernant les fournitures des articles que l'office met en vente depuis ces 3 dernières années.
En premier lieu, la commission estime que le document sollicité au point 1), s'il existe ou peut être obtenu par un traitement automatisé d'usage courant, est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet, dès lors, un avis favorable sur ce point.
En second lieu, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
S'agissant du caractère communicable de la marque et du type de matériel ou de produit proposé par l'attributaire dans son offre, la commission considère qu'il convient de tenir compte de l'objet du marché. En effet, lorsque l'objet du marché ne porte pas sur la fourniture de produits mais sur l'accomplissement de travaux ou prestations, l'indication des moyens et procédés mis en œuvre par l'attributaire pour exécuter le marché, par exemple l'indication des produits et matériaux utilisés, relèvent du secret des affaires protégé par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Dans cette hypothèse, de telles informations ne sont pas communicables (avis CADA n° 20170927 du 11 mai 2017).
Cependant, dans le cas d'un marché de fournitures, les pièces du marché ou de la procédure de passation qui font apparaître le matériel proposé par l'attributaire (caractéristiques des matériels proposés, marques, modèles avec options et accessoires) décrivent l'objet même du marché et correspondent aux caractéristiques de l'offre retenue et sont à ce titre communicables, sous la réserve rappelée (avis CADA n°20183619).
En l'espèce, la commission prend note de la réponse apportée par l'office du tourisme, à qui la maire de la Grande Motte a transmis la demande, selon laquelle certains des produits ont été spécialement conçu par des artistes, apportant ainsi leur savoir-faire technique relevant du secret des procédés industriels et intellectuels.
Par conséquent, la commission estime que les documents sollicités au point 2) sont communicables, sous les réserves susmentionnées. Elle considère que les informations relatives aux produits créés spécifiquement par des artistes sollicités par l'administration sont protégées par le secret des affaires.
La commission émet un avis favorable à la demande, sous les réserves précitées.
La commission a également été informée de ce que le maire de La Grande Motte n’était pas en possession des documents sollicités. La commission rappelle toutefois qu’il lui appartient, en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, de transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, à l’autorité administrative susceptible de les détenir, en l’espèce l'office du tourisme de la commune et d'en aviser Madame X.
Elle précise, enfin, qu'aucune disposition du code des relations entre le public et l'administration n'impose à Madame X de produire sa carte d'identité.