Avis 20232340 Séance du 01/06/2023
Monsieur X, journaliste pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 avril 2023, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à sa demande de communication des résultats complets comprenant les modèles précis d'armes de force intermédiaire achetés ainsi que la quantité précise pour chacune, pour chacun des marchés publics suivants portant sur du matériel de maintien/rétablissement de l'ordre passés pour la police nationale et la gendarmerie nationale :
1) les marchés (offre/résultat), BXP07278020282E/BXP08193010514G, 09‐92061/09‐244735, 11‐78394, 17‐112134/18‐68665, 18‐179674 /19‐176436 ;
2) les marchés aux offres et résultats inconnus :
a) les ELE ‐ engins lanceurs d'eau ‐ dont les CCF 4000, CCF 6000, EGIDE, CAMIVA et SOFRAME 12000 qu'ils soient CRS ou DOSTL (PP) ;
b) les lanceurs multi‐coups 40mm 4 & 6 coups apparus en 2016 lors des manifestation contre la « Loi travail » qui équipent les CRS (datant donc d'avant le marché 18‐179674) ;
c) existe t-il un autre appel d'offres pour des LBD entre l'appel d'offres BXP07278020282E concernant les LBD GL‐06 de B&T et 2018, quand, pour combien de lanceurs et pour quel montant ?
La commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur le point 2)c) de la demande, qui porte en réalité sur des renseignements.
En réponse à la demande qui lui été adressée, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a indiqué à la commission, s'agissant du point 1), que seules les pièces relatives aux marchés 17- 112134/18-68665 et 18-179674 /19-176436 ont été conservées dès lors qu’aux termes des dispositions de l'article R2184-12 du code de la commande publique, « L'acheteur conserve les pièces constitutives du marché pendant une durée minimale de cinq ans pour les marchés de fournitures ou de services et de dix ans pour les marchés de travaux, de maîtrise d'œuvre ou de contrôle technique à compter de la fin de l'exécution du marché. »
S'agissant du caractère communicable de ces documents, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
Ce droit de communication doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de cette loi. Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455, du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires, lesquels doivent, dès lors, être occultés.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la Commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La Commission précise enfin que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
La commission précise qu'en l'espèce, compte tenu de la nature des marchés en question, les mentions éventuelles dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, au sens de l'article L311-5 du code, devront être également occultées avant transmission. Elle émet donc, sous l'ensemble de ces réserves, un avis favorable à la communication des documents relevant du point 1) de la demande et conservés par l'administration. Elle déclare par ailleurs sans objet, pour les documents non conservés, le surplus de ce point.
L'administration a également informé la commission de ce que les matériels mentionnés aux points 2)a) et 2)b) ont été acquis par l'intermédiaire de centrales d'achat et que, par suite, les documents sollicités ne sont pas en sa possession. La commission déclare donc sans objet ces deux points.