Avis 20232276 Séance du 01/06/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 avril 2023, à la suite du refus opposé par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Pau à sa demande de diffusion sur le site internet https://avocats‐pau.fr/, des documents concernant les modalités de fonctionnement et la réglementation du barreau de Pau : 1) mise en ligne et communication par courriel, des documents suivants : a) le règlement intérieur du barreau ; b) les textes réglementaires et d’ordre public définissant les missions auprès du grand public, des justiciables, et des professionnels inscrits au sein de l'unité Juridique (UJ) ; 2) mise en conformité du site web au regard du CRPA sur les éléments suivants : a) l'accusé de réception ; b) la copie en retour du mail envoyé, en preuve du texte qui est destiné à l’unité juridique ; c) le souhait du législateur visant à de donner aux usagers des services publics, toute la traçabilité comme définit par les textes en vigueur et la hiérarchie des normes ; 3) l'indication sur le site web que lorsqu’aucun avocat est intéressé par le dossier d’un justiciable, l’ordre des avocats de Pau n’est pas en capacité, de droit ? du règlement interne ? et, à défaut de l'existence d'une liste définissant les prestations auprès des justiciables, d’intervenir pour désigner un avocat ; 4) publication du budget de fonctionnement de l’ordre des avocats ; 5) Ajout d’un onglet sur le site web de l’ordre des avocats, avec les éléments suivants : a) les budgets de fonctionnement des 5 dernières années ; b) l'organigramme ; c) le code de déontologie des avocats ; d) les chiffres de l’activité de l’ordre des avocats de Pau ; e) le nombre de demandes, par nature, traitées ; f) les délais (en décile) de traitement des demandes émis par un justiciable, un avocat du barreau de Pau et un avocat hors barreau de Pau ; 6) publication de toutes les chartes « Qualité » et « Charte Marianne » que l’ ordre a signé avec le président de la Cour d’Appel de Pau pour répondre à la satisfaction des citoyens. En l’absence de réponse du bâtonnier de l'ordre des avocats de Pau à la date de sa séance, la commission rappelle, en premier lieu, que l’article L342-1 du code des relations entre le public et l’administration lui confère compétence pour émettre des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d'un document administratif en application du titre Ier, un refus de consultation ou de communication des documents d'archives publiques ou une décision défavorable en matière de réutilisation d'informations publiques. La commission n’est par suite pas compétente pour se prononcer sur le point 2) par lequel Monsieur X demande « la mise en conformité avec le code des relations entre le public et l'administration » du site web de l’ordre des avocats de Pau, ni sur le point 3) par lequel Monsieur X demande l’insertion d’indications sur ce site. Elle se déclare également incompétente pour se prononcer sur le point 5) en tant que par lequel Monsieur X demande l’insertion d’onglets sur ce site. En deuxième lieu, la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Ministre d'État, Ministre de l’éducation nationale, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection, n° 152393). Elle souligne par ailleurs que la demande de communication de documents administratifs doit être suffisamment précise pour permettre à l'administration d'identifier clairement le ou les documents souhaités, sans l'obliger à procéder à des recherches. En effet, le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux administrations de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE 27 sept. 1985, Ordre des avocats au barreau de Lyon c/ X, req. n° 56543, Lebon 267. – CE 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, req. n° 83477). La commission estime en l’espèce qu’en demandant la communication des « textes réglementaires et d’ordre public définissant les missions », des chiffres de l’activité de l’ordre des avocats de Pau, du nombre de demandes et des délais, Monsieur X entend en réalité obtenir des renseignements. A supposer qu’il puisse être regardé comme formant une demande de communication de documents administratifs, la commission considère qu’elle n’est pas assortie de précisions suffisantes permettant à l’autorité saisie d’identifier aisément ces documents. La commission déclare par suite la demande d’avis irrecevable, à tout le moins, sur les points 1) b) et 5) d) à f). La commission rappelle, en troisième lieu, qu'en application du quatrième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, le droit à communication des documents administratifs ne s'exerce plus lorsque les documents sollicités font l'objet d'une diffusion publique. La commission déclare par suite irrecevable pour ce motif la demande de communication du code de déontologie mentionnée au point 5) c), le décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat, en particulier, faisant l’objet d’une publication au Journal officiel. Pour ce qui concerne en quatrième lieu le surplus de la demande, la commission estime que Monsieur X peut être regardé comme demandant la publication en ligne, comme le permet l’article L311-9 du code des relations entre le public et l'administration , du règlement intérieur, des budgets de fonctionnement des cinq dernières années, de l’organigramme et de chartes signées par l’ordre des avocats du barreau de Pau avec le président de la cour d’appel de Pau. La commission rappelle à cet égard qu'aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (…), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Selon l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ». Elle relève ensuite qu'il résulte de l'article 17 de la loi n° 71-1130 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que « le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits » et qu'il a notamment pour tâche « de traiter toute question intéressant l'exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs ». En particulier, les conseils de l’ordre doivent notamment, édicter leur règlement intérieur, prendre les décisions individuelles d’inscription des avocats au tableau de l’ordre, selon des procédures qui distinguent le cas des ressortissants des États membres de l’Union européenne et celui des ressortissants des autres États, les décisions d’omission à ce tableau, d’autorisation d’ouverture de bureau secondaire ou de retrait de cette autorisation. Ils participent aux procédures disciplinaires en désignant leurs représentants au conseil de discipline et, dans le cas du barreau de Paris, en se constituant en conseil de discipline, ainsi qu’en pouvant prendre la décision de suspension provisoire d’un avocat qui fait l’objet de poursuites pénales ou disciplinaires ; ils créent les caisses des règlements pécuniaires des avocats, associations dont ils approuvent les statuts et le règlement intérieur, et dont la gestion est placée sous leur responsabilité. Les bâtonniers ont des pouvoirs propres d’arbitrage des conflits entre avocats ou entre les avocats et leurs collaborateurs et salariés, de désignation ou commission d’office d’avocats au titre de l’aide juridictionnelle, et de saisine du conseil de discipline et de recours contre ses décisions. L'Assemblée générale du Conseil d’État a estimé, dans un avis n° 390397 du 22 octobre 2015, qu'au sein de ces différentes missions se rattachent à l'organisation du service public de la justice et relèvent d'un service public administratif les catégories d’activités ou d’actes suivantes, en ce qu’elles n’en sont pas détachables : les activités normatives des conseils de l’ordre (les règlements intérieurs) et de l’ordre des avocats aux conseils (en matière de formation), les décisions à caractère financier concernant les CARPA, l'aide juridictionnelle ou la formation, que prennent les barreaux ainsi que l'ensemble des décisions individuelles (ou collectives) des barreaux liées à l'accès et à l’exercice de la profession. Par suite, les documents produits et reçus par le conseil de l'ordre dans le cadre de ces missions revêtent un caractère administratif et sont, comme tels, soumis au droit d’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. En application de ces principes, la commission estime que le règlement intérieur mentionné au point 1) a), les budgets de fonctionnement des cinq dernières années mentionnés aux points 4) et 5) a), l’organigramme mentionné au point 5) b) et les chartes « Qualité » ou « Charte Marianne » mentionnées au point 6) permettent de déterminer et de retracer les conditions dans lesquelles l’ordre exerce ses missions de service public et présentent par suite le caractère de documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet donc un avis favorable à la demande sur ces points. Pour ce qui concerne en dernier lieu les modalités de communication, la commission rappelle, d’une part, qu’aux termes de l’article L311-9 du code des relations entre le public et l'administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, notamment par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6. D’autre part, la commission précise qu’en application des dispositions de l’article L312-1-1 du même code, sous réserve des articles L311-5 et L311-6 et lorsque ces documents sont disponibles sous forme électronique, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2, à l'exception des personnes morales dont le nombre d'agents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret, publient en ligne les bases de données, mises à jour de façon régulière, qu'elles produisent ou qu'elles reçoivent et qui ne font pas l'objet d'une diffusion publique par ailleurs ainsi que les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental. La publication en ligne de documents administratifs par l’administration ne peut toutefois s’effectuer que sous réserve du respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du même code, qui dispose que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. / Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. (...) ». La commission en déduit que, s’il peut être procédé à la publication d’un document administratif dès lors que son contenu respecte les secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, ce document doit, en outre, satisfaire aux conditions posées au deuxième alinéa de l’article L312-1-2 s’agissant de la protection des données à caractère personnel, s’il comporte des données de cette nature. Il résulte de ces dispositions que des documents comportant des données personnelles ne peuvent être publiés en ligne que s'ils ont fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes, ou dans les trois hypothèses suivantes : - si une disposition législative autorise une telle publication sans anonymisation ; - si les personnes intéressées ont donné leur accord ; - si les documents figurent dans la liste prévu par l'article D312-1-3 du code des relations entre le public et l'administration. La commission émet donc, sous l'ensemble de ces réserves, un avis favorable à la publication en ligne des documents précités.