Avis 20232195 Séance du 01/06/2023
Madame X X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 avril 2023, à la suite du refus opposé par la Directrice générale de l'Agence de la Biomédecine (ABM) à sa demande de communication, de préférence par voie de courriel, ou par lettre recommandée, avec accusé de réception, à ses frais, des documents concernant son père décédé, Monsieur X afin de connaître les causes de la mort et défendre la mémoire du défunt :
1) l'inscription au Registre national du refus du don d'organes et, éventuellement, rétractation de ce refus ;
2) l'interrogation du Registre national du refus du don d'organes suite au décès de son père.
En l'absence, à la date de sa séance, de réponse exprimée par la directrice générale de l'Agence de la Biomédecine, la commission relève qu'il résulte de l'article L1418-1 du code de la santé publique que l'Agence de la Biomédecine est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la santé qui est chargé de missions de service public. Elle est compétente dans les domaines de la greffe, de la reproduction, de l'embryologie et de la génétique humaines. L'article R1418-1 du même code dispose que l'une de ses missions est notamment d'assurer la gestion et le fonctionnement du registre national automatisé des refus de prélèvement d'organes. Les documents reçus ou produits par l'agence dans le cadre de ses missions revêtent donc le caractère de document administratif.
Par ailleurs, la commission rappelle, d'une part, qu'en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, telles que le Conseil d'État les a interprétées, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit sous réserve que cette demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4 - à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt -, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical.
En vertu de l'article L1111-7 du code de la santé publique, sont considérées comme médicales les informations concernant la santé d'une personne « détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ».
En application de ces principes, la commission estime que les documents relatifs au registre national automatisé des refus de prélèvement d'organes que gère l'Agence de la Biomédecine ne constituent pas des informations médicales au sens dispositions précitées et ne sont dès lors pas régis par les articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique.
La commission déduit de ce qui précède que les documents sollicités doivent être regardés comme des documents administratifs communicables en application et dans les conditions prévues par le code des relations entre le public et l'administration.
La commission rappelle, ensuite, qu'aux termes de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ne sont communicables qu'à l'intéressé.
Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon, que la personne intéressée, au sens de ces dispositions, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication.
La qualité de personne intéressée, appréciée de manière stricte, a été reconnue aux ayants droit sollicitant la communication d'un document utile à la défense de leurs droits patrimoniaux en qualité d'héritier ou des droits à pension en tant que conjoint (avis n° 20164455 du 17 décembre 2016 ; avis n° 20183964 du 20 décembre 2018), ainsi qu'à ceux s'inscrivant dans une démarche tendant à la réparation d’un dommage subi par une personne décédée, à l’égard des documents nécessaires à l’établissement de ce préjudice et à l'engagement de la responsabilité de son auteur, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès (avis n° 20212776 du 6 mai 2021). En revanche, soucieux de préserver la mémoire du défunt, le Conseil d'État a refusé la communication à une personne des pièces du dossier constitué lors de l'examen de la demande de son père décédé tendant à obtenir l'honorariat et dont la divulgation pourrait nuire à sa mémoire (CE, sect., 29 juillet 1994, Chambre des notaires du Département du Cher, n° 105023 ).
En l'espèce, la commission relève que Madame X ne se prévaut pas, en le justifiant, à raison des documents dont elle demande la communication, de droits propres hérités du défunt ou de droits propres nés d’un préjudice qu’elle subit directement.
Elle émet donc un avis défavorable à la demande.