Avis 20232188 Séance du 01/06/2023
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 avril 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Belloy-en-France à sa demande de communication, en sa qualité de conseillère municipale, des documents suivants relatifs à la réalisation de travaux visant à lutter contre les dépôts sauvages dans les chemins agricoles :
1) les fournisseurs des matériaux (câbles et blocs de béton) ;
2) le coût et les factures ayant permis l’acquisition du matériel ;
3) le coût des travaux réalisés et par quelles sociétés ;
4) le procès‐verbal de réception des travaux ;
5) les assurances nécessaires dans pareille situation ;
6) le contrat d’entretien ;
7) les devis réalisés étayant les propos selon lesquels le dispositif est 4 à 5 fois moins onéreux ;
8) l’acte administratif validant la légalité de ces travaux.
En l'absence de réponse du maire de Belloy-en-France à la date de sa séance, la commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.
La commission rappelle, en premier lieu, que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur les points 1), 3) et 5), ainsi que sur le point 2) pour ce qui concerne les coûts, qui tels qu'ils sont formulés, s'apparentent à une demande de renseignements.
En deuxième lieu, la commission estime que le point 8) est formulé de manière trop imprécise pour permettre à l'autorité saisie d'identifier le document sollicité. Elle le déclare, dès lors, irrecevable.
En troisième lieu, s'agissant du surplus, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s'y rapportent sont considérés comme des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par les articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
Ce droit de communication doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières, etc.).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Il en va également des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission prend par ailleurs acte, s'agissant des factures, de la décision du 8 février 2023 n° 452521 par laquelle le Conseil d’État a jugé que le droit de communication qu’instituent les dispositions de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales ne s’étend pas aux pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité qu’il appartient à l’ordonnateur et au comptable public de conserver, en vertu des dispositions de l’article 52 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (avis n° 20230165 du 9 mars 2023).
La commission estime dès lors que les factures visées au point 2), ainsi que les documents sollicités aux points 6) et 7), s'ils existent, sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous la réserve tenant au secret des affaires. Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable sur ces points.
Enfin, s'agissant du procès-verbal de réception sollicité au point 4) de la demande, la commission considère que les procès-verbaux de réception, qui se rapportent à l’exécution du marché public, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve, d'une part, de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires, notamment celles susceptibles de révéler des détails techniques de l’offre, et, d'autre part, les mentions qui décriraient les malfaçons imputées au titulaire du marché, lesquelles sont regardées par la commission comme des décisions révélant le comportement d’une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice en application du 3° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration (conseil du 20 février 2020 n° 20193758).
Elle émet donc un avis favorable sur ce point, sous ces réserves.