Avis 20232102 Séance du 06/07/2023
Monsieur X a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, par un courrier enregistré à son secrétariat le 28 février 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Mézin à sa demande de communication des documents suivants :
1) le rapport de l’expert ayant imposé la sécurisation de la rue de France, de la rue du Presbytère et d’une partie de la rue du Général de Gaulle ;
2) la décision du tribunal administratif ayant mandaté l'expert.
En premier lieu, la commission rappelle que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, des dossiers de demande d'aide juridictionnelle (CE, 5 juin 1991, n° 102627), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties – c'est-à-dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites – mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, n° 117480).
La commission considère toutefois que, si les rapports d'expertises ordonnées par des juridictions constituent en principe des documents juridictionnels, comme tels exclus du champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration, il en va différemment, en vertu du principe d'unité du dossier, lorsque de tels rapports servent de fondement à une décision administrative.
La commission estime ainsi que l’ordonnance du tribunal administratif de Bordeaux mandatant un expert revêt un caractère juridictionnel.
Elle se déclare incompétente pour se prononcer sur le point 2).
En second lieu, la commission estime en revanche que les rapports d’expertise établis à la demande de ce tribunal administratif revêtent le caractère de documents administratifs, dès lors que les mesures conservatoires prises et susceptibles d’être prises par le maire dans le cadre de la procédure de mise en sécurité prévue par les dispositions des articles L511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation sont fondées sur ces rapports.
Toutefois, la commission rappelle qu'aux termes de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration : « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice (...) ».
Elle estime qu’en vertu de ces dispositions, un document relatif au danger que présente pour ses occupants l'état d'un immeuble et aux mesures à prendre pour mettre fin à cette situation de péril est en principe communicable dans son ensemble, lorsqu'il ne présente plus le caractère de document préparatoire à une décision administrative qui n'aurait pas encore été prise, tant aux propriétaires qu'aux locataires et, le cas échéant, aux autres occupants de l'immeuble. Dans la mesure, en effet, où l'état d'une partie de l'immeuble a nécessairement des incidences sur l'état des autres parties et où les désordres constatés affectent tant la sécurité de chaque occupant que la conservation des biens de chaque propriétaire, ceux-ci sont directement concernés par l'ensemble du document et présentent ainsi à son égard la qualité de personne intéressée au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Ce n'est que dans le cas où l'état d'une partie de l'immeuble s'avèrerait sans rapport avec l'état des autres parties que les constatations faites pourraient être regardées comme divisibles les unes des autres et que le document ne devrait être communiqué à chacun que pour la partie qui le concerne directement.
La communication de ces documents à une personne qui ne serait pas directement concernée est en revanche susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée tant de son occupant que de son propriétaire, et est également susceptible de révéler de la part de l'un comme de l'autre un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice.
En l’espèce, la commission comprend que Monsieur X est propriétaire d’un bien situé dans le périmètre de sécurité délimité par arrêté municipal mais qu’il n’est ni propriétaire ni occupant d’un des immeubles présentant des risques ayant justifié l’adoption de cet arrêté, ni même d’un immeuble mitoyen à ces derniers. Elle estime par suite qu’il ne peut être regardé comme une personne intéressée au sens de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration précité, de sorte que les rapports sollicités ne lui sont pas communicables.
Elle émet donc un avis défavorable à la demande s'agissant du point 1).