Avis 20232098 Séance du 11/05/2023
Madame X, journaliste, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 avril 2023, à la suite du refus opposé par le préfet des Deux-Sèvres à sa demande de communication de la copie des documents suivants, évoqués dans le rapport intitulé « Premier bilan de la manifestation interdite des 24-26 mars à Sainte-Soline », réalisé par la préfecture des Deux‐Sèvres et mis en ligne par le ministère de l'intérieur et des outre-mer le 28 mars 2023 :
1) le courrier de la préfecture (date et destinataire non indiqués) « rappelant les obligations de l'organisateur et de l'autorité municipale » au sujet de la déclaration d'une manifestation festive par Solidaires 79 au maire de Melle ;
2) le compte rendu de la « réunion du 21 mars 2023 réunissant l'ensemble des services de sécurité, de secours et de la préfecture pour préparer l'événement » (prévu à Melle) ;
3) le compte rendu de la « première réunion dédiée au secours », ayant eu lieu « le jeudi 16 mars avec ARS ‐ SAMU ‐ SDIS permettant de définir les enjeux et de calibrer les dispositifs » ;
4) le compte rendu de la « dernière réunion le 22 mars, associant l'ensemble des services de l'Etat, en particulier la gendarmerie, le SDIS 79, le SAMU 79 et l'ARS », réunion qui selon le rapport préfectoral « a permis de partager l'ensemble des dispositifs et de partager l'organisation du dispositif de secours sur les deux sites prévisibles de manifestation » ;
5) les directives préfectorales (non datées) exposant « les objectifs » fixés à la gendarmerie nationale, résumés ainsi dans le rapport : « garantir la sécurité des personnes, gendarmes comme manifestants ; garantir la sécurité de la réserve en fonctionnement ; permettre à l'autorité judiciaire (...) d'identifier les auteurs de troubles à l'ordre public » ;
6) le courrier du directeur du SDIS 79, adressé à la préfecture « le 24 mars 2023 », à l'origine de la décision préfectorale d'engager « un moyen héliporté pour assurer la bonne coordination et mise en œuvre des secours à personne dans le cadre du rassemblement interdit à Sainte‐Soline et ses alentours » ;
7) en complément, les comptes‐rendu de toute autre réunion préparatoire à la manifestation interdite des 24‐26 mars à laquelle aurait participé la préfecture mais qui ne serait pas citée dans son rapport, ainsi que les échanges écrits entre la préfecture et ses partenaires institutionnels (ARS, SDIS, SAMU, gendarmerie) en amont et en aval de cette manifestation interdite, entre le 15 mars et le 1er avril 2023.
La commission, qui a pris connaissance de la réponse du préfet des Deux-Sèvres, lequel indique que les évènements de Sainte-Soline font l'objet de plusieurs enquêtes judiciaires, rappelle qu’aux termes du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente ».
Elle souligne, toutefois, que la seule circonstance qu'un document administratif se rapporte à une procédure en cours devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou administratif ne saurait par elle-même faire obstacle à sa communication sur le fondement du droit d'accès aux documents administratifs, et ce même s’il a été transmis à l’autorité judiciaire et coté au dossier d’instruction du juge pénal (CE, 5 mai 2008, n° 309518) et même si la communication du document serait de nature à affecter les intérêts d'une partie à la procédure (CE, 16 avril 2012, n° 320571), qu'il s'agisse d'une personne publique ou de toute autre personne. Ce n’est, en effet, que dans l’hypothèse où cette communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de l'autorité judiciaire ou de la juridiction que la communication d'un document administratif peut être refusée en application du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration. Tel peut être le cas lorsque la communication est de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, entrave ou complique l'office du juge ou encore retarde le jugement d'une affaire (conseil n° 20092608 du 18 juillet 2009). Lorsqu’un document administratif a été transmis à l’autorité judiciaire, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 30 décembre 2015, n° 372230 et CE, 21 octobre 2016, n° 380504).
Dans ces conditions, en l'absence d'information à ce sujet, la commission estime que les documents administratifs demandés sont communicables sous réserve, en application des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, de l’occultation des mentions dont la communication porterait, notamment, atteinte à la la sécurité publique ou à la sécurité des personnes comme à la protection de la vie privée d’autres personnes ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d’une personne, autre qu’une personne chargée d’une mission de service public, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.
La commission émet un avis favorable à la communication des documents demandés sous réserve des principes ci-dessus rappelés.