Conseil 20231947 Séance du 11/05/2023

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 11 mai 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable d'un extrait numérique du grand livre comptable de la commune pour les années 2020, 2021 et 2022, sachant qu'il comporte des informations relevant de la vie privée des agents et que leur montant de rémunération par mois peut être clairement identifié. La commission vous rappelle qu’il résulte de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux du conseil municipal, des arrêtés municipaux, ainsi que des budgets et comptes de la commune. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. La commission prend en revanche acte de la décision du 8 février 2023 n° 452521 par laquelle le Conseil d’État a jugé que s’agissant des budgets et des comptes des communes, le droit de communication qu’instituent les dispositions de l’article L2121-26 du code général des collectivités territoriales ne s’étend pas aux pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité qu’il appartient à l’ordonnateur et au comptable public de conserver, en vertu des dispositions de l’article 52 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. La commission comprend que les grands livres de comptes constituent des fichiers de comptabilisation des mandats de dépenses et des titres de recettes, tenus par l'ordonnateur par ordre chronologique, sous la forme d’une série continue, avec rattachement au chapitre et à l’article budgétaire correspondant. Elle en conclut que le grand livre de comptes 2022 visé par la demande est communicable à toute personne qui en fait la demande dans les conditions prévues par le livre III du code des relations entre le public et l’administration et sous les réserves prévues par les articles L311-5 et L311-6 de ce code, notamment le secret de la vie privée et le secret des affaires. Elle vous précise, à cet égard, que si les noms et prénoms d'une personne physique sont des données à caractère personnel, ces mentions ne sont, en elles-mêmes, pas protégées par le secret de la vie privée. Elle en déduit, s'agissant du grand livre des comptes, que ces données ne doivent en principe être occultées qu'au cas par cas, si, par recoupement avec les autres informations du document, elles sont de nature à porter atteinte au secret de la vie privée et au secret médical des personnes intéressés, ou si elles révèlent une appréciation ou un jugement de valeur d'ordre individuel sur ces personnes ou encore si elles font apparaître de leur part un comportement dont la divulgation serait susceptible de leur porter préjudice. En application de ces principes, la commission a par exemple considéré que les mentions du grand livre des comptes relatives aux frais de déplacement du personnel ou aux rémunérations versées aux agents, ne relèvent en elles-mêmes pas d'un secret protégé et peuvent, dès lors, être intégralement communiquées aux tiers (conseil n° 20215036, du 4 novembre 2021 ; avis n° 20191375, du 18 juillet 2019). En revanche, elle estime de manière constante que l'identité des agents mentionnée dans l'article relatif à la médecine du travail et aux frais médicaux doit être occultée au titre du secret médical (mêmes avis). Elle considère, de façon plus générale, que lorsque le nom d'un tiers est associé à une opération comptable, ces données identifiantes doivent être occultées, dès lors que leur divulgation à un tiers est susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la loi. Tel est le cas, par exemple, des bénéficiaires d'une aide ou d'une allocation ou des personnes redevables d'un trop-perçu. La commission vous rappelle, s'agissant du cas précis que vous lui soumettez, que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La commission estime cependant que, si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime. Ainsi, s'agissant des éléments de rémunération, la commission est défavorable à la communication des informations liées, soit à la situation familiale et personnelle (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur la manière de servir de l'agent (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement). Il en va de même, pour le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent ou des informations sur sa situation familiale. En l'espèce, la commission considère que, dans l'hypothèse où la rémunération des agents de la mairie comporterait une part variable et que la communication du montant total de leur rémunération mensuelle permettrait de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur les agents, pris individuellement, ou des informations sur leur situation familiale, cette information devrait être occultée. Dans l'hypothèse inverse, les mentions du grand livre des comptes relatives aux rémunérations versées aux agents, ne relèverait en elles-mêmes pas d'un secret protégé et pourraient, dès lors, être intégralement communiquées aux tiers, sans occultation préalable (conseil n°20215036, du 4 novembre 2021). La commission souligne que, le cas échéant, en vertu de l'article L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, il appartient à l'autorité saisie d'une demande de communication d'occulter ou de disjoindre chacune des mentions couvertes par un secret protégé, préalablement à la communication d'un document librement communicable à toute personne, à condition que ces occultations ou disjonctions ne privent pas de sens le document ou d'intérêt la communication. Elle relève à cet égard, que dans sa décision du 27 septembre 2022, n°452614, le Conseil d’État a estimé, s'agissant d'une demande de communication des fichiers de comptabilisation des titres de recettes et mandats de paiement émis par un département au titre de trois années, se présentant sous la forme de tableaux retraçant au total plus de 300 000 mandats de paiement et 75 000 titres de perception, que ces documents pouvaient être communiqués à des tiers après suppression, au sein de chaque fichier, de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables, telles que par exemple celles intitulées « nom bénéficiaire » ou « objet liquidation », tout en conservant un intérêt pour la personne ayant sollicité leur communication. Après avoir relevé que des tiers pouvaient être associés à chaque opération comptable tels que, par exemple, les bénéficiaires de dépenses relatives à l'action sociale, d’insertion ou en matière de santé menée par le département, le Conseil d’État a estimé qu'il ne revenait pas à l’administration d’opérer, sur des documents d’un tel volume, une vérification ligne à ligne des informations potentiellement protégées, cette recherche représentant une charge disproportionnée au regard des moyens à disposition. La commission estime que cette solution, qui déroge au principe de l'occultation des seules mentions protégées, doit être interprétée strictement. Il revient en conséquence à l’administration d’apprécier concrètement, compte tenu des circonstances de l’espèce, si le volume et le contenu du grand livre de comptes demandé justifient la suppression de l’ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables. Ce n’est ainsi qu’au cas par cas qu'une telle disjonction pourra être réalisée. La commission vous invite, en conséquence, à répondre favorablement à la demande selon les modalités et, le cas échéant, sous les réserves qui viennent d'être énoncées.