Avis 20231944 Séance du 11/05/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 mars 2023, à la suite du refus opposé par le ministre des armées à sa demande de communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre de sa recherche personnelle, d'une copie de l'état des services militaires de son père, Monsieur X, conservé par le centre des archives du personnel militaire (CAPM), et conservé sous la cote X.
La commission rappelle à titre liminaire que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code.
A cet égard, les documents dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée, portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou qui font apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice deviennent communicables à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, en vertu du 3° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine. Ce délai est de soixante-quinze ans à compter de la clôture du dossier pour ce qui concerne les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire ou relatifs aux affaires portées devant les juridictions, en vertu du 4° des mêmes dispositions.
La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine constante (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’Etat a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l’espèce, le ministre des armées a indiqué avoir transmis à Monsieur X une copie de l’état de services militaires de son père par courrier du 13 mars 2023, à l’exception de six pièces judiciaires et a exprimé son intention de procéder prochainement à la communication complémentaire de "la condamnation la plus ancienne", en date de X.
La commission relève d’une part que Monsieur X, fils de la personne concernée par le dossier, agit dans le cadre d’une recherche familiale et qu’il s’est en outre engagé à ne pas divulguer d’informations protégées par la loi. Elle note également que l’échéance de libre communicabilité des documents couverts par le délai de cinquante ans lorsqu’est en cause la vie privée est proche. En l’état des informations dont elle dispose, la commission émet un avis favorable à la communication complémentaire si elle porte sur des mentions retraçant des condamnations dont le père de Monsieur X seul aurait fait l’objet.
La commission précise en revanche, que si sont en cause des documents judiciaires relatifs à ces condamnations, en particulier s'ils concernent également des tiers et alors que leur échéance de libre communicabilité est encore lointaine, elle estimerait que leur communication porterait à une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi.