Avis 20231923 Séance du 11/05/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 30 mars 2023, à la suite du refus opposé par le président de l'Union des Groupements d'Achats Publics (UGAP) à sa demande de communication, en sa qualité de journaliste, des documents suivants, issus des missions de conseil effectuées par la société X entre 2017 et 2022 : 1) les bons de commandes ; 2) les livrables ; 3) les fiches d'évaluation. La commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n°20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. La commission précise enfin que si la liste des entreprises ayant participé à la procédure est librement communicable, en revanche les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. En application de ces principes, la commission émet un avis favorable à la communication des bons de commande visés au point 1) de la demande ainsi que des fiches d'évaluation mentionnées au point 3), sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président de l'UGAP fait valoir, s'agissant des bons de commande sollicités au point 1), qu'il lui est impossible de vérifier si leur communication porterait atteinte au secret de la défense nationale ou à d'autres secrets protégés par l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'il ignore la destination des commandes. La commission ne peut qu’inviter l’UGAP, si elle se considère insuffisamment informée, à solliciter les auteurs des bons de commande pour s’en assurer. La commission estime par ailleurs que la seule information qu'un acteur économique déterminé a été destinataire de bons de commande, dès lors que les prix unitaires sont occultés, n'est pas de nature à porter atteinte au secret des affaires. S'agissant des « livrables » demandés au point 2), le président de l'UGAP a informé la commission ne pas avoir accès en principe à ces documents, sauf en cas de litige entre le bénéficiaire du livrable et le titulaire du marché, et que dans le cas où il détiendrait ces livrables, il devrait d'une part s'en remettre à l'analyse faite par le bénéficiaire s'agissant du caractère secret ou non des éléments y figurant, et d'autre part veiller au respect de la propriété intellectuelle. La commission rappelle que les documents remis par l’attributaire d’un marché public dans le cadre de l’exécution du contrat sont des documents administratifs communicables au sens des articles L300-2 et L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve qu'ils aient été remis à leur commanditaire et qu'ils ne revêtent plus un caractère préparatoire, et sous réserve des secrets protégés en application des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet donc un avis favorable à la communication de ces documents, sous ces réserves - sans qu'ait d'incidence, à cet égard, si l'analyse préalable du caractère secret des mentions du livrable soit effectuée par l'UGAP elle-même ou par le bénéficiaire de ce livrable. La commission rappelle en outre au président de l'UGAP, s'agissant des livrables qu'il ne détient pas, qu'il lui appartient, en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, de transmettre la demande de communication aux autorités administratives susceptibles de les détenir, et d’en aviser Monsieur X. Enfin, la commission précise que dans sa décision du 8 novembre 2017 n° 375704, le Conseil d’État a jugé que l’article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration, qui dispose que : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. », implique, avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l'accord de leur auteur (conseil n°20190026 du 7 février 2019).