Conseil 20231857 Séance du 11/05/2023
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 11 mai 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à une requérante, en sa qualité de salariée ayant contracté une maladie professionnelle suite aux manquements répétés de son employeur en matière de santé et de sécurité, et dans le cadre d’une instance pénale contre ce dernier, des éléments établis par l’inspection du travail lors de son contrôle initié en 2018 au sein de cet établissement privé, notamment ceux relatifs à la défaillance en matière de prévention sécuritaire au moment où elle était encore salariée, en particulier :
1) les lettres d’observations ;
2) les mises en demeure.
La commission vous précise, en premier lieu, qu’aux termes du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente ».
La commission rappelle à cet égard sa doctrine constante selon laquelle la seule circonstance qu'un document administratif se rapporte à une procédure en cours devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou administratif ne saurait toutefois, par elle-même, faire obstacle à sa communication sur le fondement du droit d'accès aux documents administratifs, et ce même s’il a été transmis à l’autorité judiciaire et coté au dossier d’instruction du juge pénal (CE, 5 mai 2008, n° 309518) et même si la communication du document serait de nature à affecter les intérêts d'une partie à la procédure (CE, 16 avril 2012, n° 320571), qu'il s'agisse d'une personne publique ou de toute autre personne. Cette restriction au droit d’accès ne trouve en effet à s’appliquer que lorsque la communication des documents serait de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, à retarder le jugement de l’affaire, à compliquer l’office du juge, ou à empiéter sur ses compétences et prérogatives.
En l’espèce, la circonstance qu’un contentieux soit en cours entre la personne qui vous a saisis et son ancien employeur n’apparaît pas, à elle seule, caractériser le risque d’atteinte au déroulement d’une procédure juridictionnelle au sens des dispositions précitées de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration.
En deuxième lieu, la commission souligne que le Conseil d’État a jugé que les lettres d’observations adressées par l’inspection du travail aux employeurs à l’issue de contrôles effectués dans leurs établissements, après avoir relevé qu'elles résultaient de la seule pratique administrative et que ni leur objet, ni leur contenu n’est défini par aucun texte, étaient des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, réserve faite du cas où elles feraient apparaître le comportement d'une personne physique ou morale, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. En pareille hypothèse, ces lettres d’observations ne sont, en principe, communicables qu’à leur destinataire. Elles peuvent également être communiquées à toute personne qui en fait la demande s’il apparaît que l’occultation ou la disjonction de certaines des mentions qu’elles comportent suffit à éviter que cette communication porte préjudice à la personne concernée (CE, 21 octobre 2016, Union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine, n° 392711).
La commission déduit de cette décision, d'une part, que, les lettres d’observations émises par l’inspection du travail ne correspondent pas, en principe, aux mises en demeure dont le code du travail prévoit l’envoi aux employeurs en vue de les informer des manquements constatés à la législation et à la réglementation du travail et de les inviter à les corriger, dans un délai déterminé qui ne sont, dès lors, pas communicables aux tiers et, d'autre part, qu'il convient de procéder, systématiquement, à une appréciation in concreto pour l'application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration et d'envisager la divisibilité des parties des documents sollicités et la possibilité d’occultations partielles.
Après avoir pris connaissance des lettres d’observations du 13 février 2019 et du 9 juillet 2021, la commission constate qu’elles rappellent essentiellement à l’employeur ses obligations légales et lui demandent la production de documents pour justifier de ses obligations. Elle vous invite donc à procéder à leur communication, après occultation des seules mentions faisant apparaître le comportement d'une personne susceptibles de lui porter préjudice.
La commission relève en revanche que la mise en demeure « préalable à procès-verbal » du 24 janvier 2020 et celle du 23 juin 2021 caractérisent des infractions au code du travail de la part de l’employeur et mettent ce dernier en demeure d’y remédier dans un délai déterminé. Elle estime en conséquence que ces documents ne sont communicables qu’au seul employeur et vous recommande de ne pas procéder à leur communication.
En dernier lieu, la commission appelle votre attention sur le fait que les documents sur lesquels vous l’interrogez contiennent également des informations relatives à l’environnement et à l’émission de substances dans l’environnement.
Elle vous rappelle que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus (….) ».
Selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, le droit de toute personne d'accéder à des informations lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement.
La commission précise qu'en vertu de l'article L124-4 de ce code, il appartient à l'administration, saisie d'une demande portant sur des informations relatives à l'environnement dont la divulgation pourrait porter atteinte à l'un des intérêts mentionnés à cet article, d'apprécier l'intérêt qui s'attacherait à leur communication avant de statuer sur cette demande.
Enfin, en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du code, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des « émissions de substances dans l'environnement » que dans le cas où sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que l'autorité administrative en refuse la communication au motif qu'elles comporteraient des mentions couvertes par le secret des affaires ou le secret de la vie privée.
La commission vous indique par suite que les informations relatives à l’environnement que contiennent ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, s les réserves et dans les conditions rappelées ci-dessus, selon la catégorie à laquelle l'information environnementale se rattache.