Avis 20231854 Séance du 01/06/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 mars 2023, à la suite du refus opposé par le ministre des armées à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés à l'article L213-2 du code du patrimoine, des dossiers fonds de la gendarmerie nationale et de l'armée de terre française conservés au service historique de la défense, sous les cotes suivantes :
1) GR 1H 5301, GR 1H 5303, GR 1H 5363, GR 1H 5370, GR 1H 5373, GR 1H 5375, GR 1H 5376, GR 1H 5377 ;
2) GD 2010 ZM4 5513, GD 2010 ZM4 5514 ;
3) GD 2010 ZM4 10828 ;
4) GD 2010 ZM4 5531.
La commission, qui a pris connaissance de la réponse du ministre des armées, rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l’espèce, le ministre des armées a précisé à la commission que les documents visés aux points 2), 3) et 4) de la demande, ainsi que l’article GR 1H 5301, étaient couverts par le délai de communicabilité de cent ans à compter de la clôture du dossier prévu au 5° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine dès lors qu’ils contiennent des procès-verbaux se rapportant à une personne mineure ou dont la communication porterait atteinte à l’intimité de la vie sexuelle des personnes. Il a indiqué également que les documents visés au point 1) de la demande sont en outre couverts par le délai de cent ans prévu au second alinéa du 5° du I du même article L213-2, à raison de la présence d’éléments dont la communication serait de nature à porter atteinte à la sécurité de personnes impliquées dans des activités de renseignement. Enfin, les articles GR 1H 5370 et GR 1H 5377 contiennent en outre des documents couverts par le secret médical, dont la communication est soumise au délai de cent vingt ans à compter de la naissance des personnes concernées, ou de vingt-cinq ans à compter de leur décès, prévu au 2° du I de ce même article.
La commission constate ainsi d’une part que les documents sont encore couverts par d’importants délais de communicabilité et comportent des éléments présentant une particulière sensibilité. Elle relève, d’autre part, que Monsieur X n’apporte pas de motivation particulière à sa demande autre qu’un « rétablissement de liens familiaux », sans expliquer comment la consultation de ces documents pourrait y contribuer.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable à la demande et invite Monsieur X, s’il s’y croit fondé, à préciser ses motivations auprès du ministre des armées.