Avis 20231793 Séance du 11/05/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 28 mars 2023, à la suite du refus opposé par le président du fonds de dotation du rugby région Sud à sa demande de communication des documents suivants :
1) les procès-verbaux des bureaux, comités directeurs, conseil d'administration et assemblées générales ;
2) les rapports moral et financier ;
3) le détail des subventions accordées (objet, montant, bénéficiaires, dossier des demandes, conventions, comptes rendu des actions) ;
4) les rapports du commissaire aux comptes et les conventions réglementées ;
5) depuis la création de l'association, sous forme électronique, par transfert ou sur clef USB, au format Excel ou PDF ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé :
a) les bilans (actif-passif) ;
b) les comptes de résultats détaillés ;
c) les balances générales et auxiliaires ;
d) les grands livres clients, grands livres fournisseurs, grands livres tiers et auxiliaires.
1. Sur la recevabilité de la demande de Monsieur X :
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du fonds de dotation du rugby région Sud a fait valoir, auprès de la commission, l'imprécision de la demande de Monsieur X au motif que la demande ne cible pas une période déterminée.
La commission rappelle à cet égard que le droit d'accès aux documents administratifs défini par le livre III du code des relations entre le public et l’administration ne contraint pas l'administration à effectuer des recherches pour répondre à une demande et que les administrations ne sont pas tenues de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE, 27 septembre 1985, Ordre des avocats au barreau de Lyon c/ X, n° 56543, Lebon 267 ; CE, 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, n° 83477).
Elle estime ainsi irrecevables les demandes portant sur des échanges intervenus entre une ou des administrations et une autre administration ou une personne privée, lorsqu’elles sont trop imprécises quant à l'objet des documents demandés (avis n° 20216781 du 16 décembre 2021), quant à leur nature (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à l'administration et/ou ses composantes en cause (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à son ou ses interlocuteurs (avis n° 20194880 du 12 mars 2020 ; n° 20213868 du 15 juin 2021), quant au cadre d'élaboration du document (avis n° 20213868 du 15 juin 2021) ou encore quant à la période de temps visée (avis n° 20213868 du 15 juin 2021).
La commission relève, en l'espèce, que si la demande est susceptible de porter sur un grand nombre de documents, le fonds de dotation du rugby région Sud a été créé le 19 janvier 2021, de sorte qu'elle ne porte que sur une période de temps relativement limitée, et que la nature des documents demandés est clairement précisée.
Elle précise, à toutes fins utiles, que lorsqu'une demande porte sur un nombre ou un volume important de documents, l'administration est fondée à étaler dans le temps la transmission afin que l’exercice du droit d’accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services.
2. Sur le caractère abusif de la demande de Monsieur X :
Le président du fonds de dotation du rugby région sud a également fait valoir que la demande s'inscrit "dans un contexte contentieux et de demandes de documents répétitives paralysant le fonctionnement de ce fonds de dotation tant dans l’ampleur de cette demande que dans son caractère infondé".
La commission rappelle à cet égard que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration.
Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent.
Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupéry, n° 426623).
La commission rappelle, en outre, que le droit à la communication des documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent donc, en principe, pas fonder un refus de communication. Elle relève, toutefois, que, dans un avis n° 20220207 du 10 mars 2022, elle a fait évoluer sa doctrine en retenant désormais que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620).
En l'espèce, la commission relève que le nombre de saisines par Monsieur X sur des demandes adressées aux mêmes autorités administratives demeure faible. Elle considère en outre, ainsi qu'il a déjà été dit, que si la demande porte sur un nombre important de documents, ces documents restent bien identifiés par leur nature et qu'ils ne recouvrent qu'une période de temps limitée. Il n'apparaît par suite pas à la commission, en l'état des informations dont elle dispose, que la demande présenterait un caractère abusif.
3. Sur le caractère communicable des documents demandés par Monsieur X :
La commission, qui a pris connaissance de la réponse du président du fonds de dotation du rugby région Sud, rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article L131-9 du code du sport que les fédérations sportives sont des organismes privés chargés de missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives. En outre, l'article L131-11 du même code dispose que les fédérations agréées peuvent confier à leurs organes nationaux, régionaux ou départementaux une partie de leurs attributions. Elle en déduit que la Fédération française de rugby revêt le caractère d'un organisme privé chargé d'une mission de service public au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, et qu'il en va de même de ses ligues régionales.
La commission note qu'aux termes de ses statuts, le fonds de dotation du rugby région Sud a été créé, sous la forme d'une association loi 1901, par la seule ligue régionale Sud de rugby, agissant "comme un organe déconcentré de la FFR sur le territoire de la région administrative Sud-Provence-Alpes-Côte-d'Azur", afin de "réaliser toute œuvre, mission ou action à caractère social et solidaire en relation avec son objet statutaire de promouvoir et développer le rugby sur le territoire de la région administrative SUD-PACA". Elle rappelle que l'article L131-9 du code du sport prévoit que "les fédérations sportives agréées participent à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives". Elle en déduit que ce fonds, qui vise à développer et démocratiser le rugby, revêt lui aussi le caractère d'un organisme privé chargé d'une mission de service public au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, quand bien même aucune des missions spécifiquement dévolues aux fédérations délégataires par l'article L131-15 du code des sports ne lui est confiée.
Par ailleurs, la commission relève, ainsi que l’a jugé le Conseil d’État (CE, 25 juillet 2008, n° 280163), que les documents relatifs à la vie d’un organisme de droit privé (tels que comptes annuels, rapports des commissaires aux comptes, procès-verbaux des assemblées générales, etc.), qui retracent les conditions dans lesquelles cet organisme exerce la mission de service public qui lui a été confiée, présentent par leur nature et par leur objet le caractère de documents administratifs communicables. Les pièces comptables qui se rapportent aux dépenses de l’organisme ne constituent des documents administratifs que si et dans la mesure où les opérations qu’elles retracent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public (CE, 13 avril 2021, 435595).
En l'espèce, la commission constate que les documents demandés sont au nombre de ceux retraçant les conditions dans lesquelles le fonds de dotation rugby région Sud exerce sa mission de service public. Elle émet en conséquence un avis favorable à l'ensemble de la demande, sous réserve de l'occultation des éventuelles mentions protégées par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, notamment le secret de la vie privée ou le secret des affaires.