Avis 20231766 Séance du 11/05/2023
Mesdames X et X ont saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 mars 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à leur demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d’une recherche personnelle, du dossier conservé aux Archives départementales de Maine-et-Loire sous la cote suivante :
Aide sociale à l'enfance- X.
La commission rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code.
A cet égard, les documents qui comportent des informations dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ne deviennent librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier.
La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines et de l’architecture a précisé à la commission que son refus faisait suite à l’avis défavorable émis par le président du conseil départemental de Maine-et-Loire à la communication du dossier d’aide sociale à l’enfance de Monsieur X, frère et cousin biologique de Madame X et Madame X, qui est né sous X en 1957 et a été adopté en X.
La commission constate d’abord que le dossier sollicité date de 1975 et ne sera librement communicable qu’à compter de l’expiration du délai de cinquante ans à compter de sa clôture protégeant la vie privée prévu au 3° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, soit à compter de 2026. Ce délai qui peut être porté à cent ans pour les pièces éventuelles relatives aux affaires portées devant les juridictions concernant des mineurs, ou à cent vingt ans à compter de la naissance de l’intéressé pour les pièces portant atteinte au secret médical, en vertu du 5° et du 2° des mêmes dispositions.
La commission relève ensuite que le conseil départemental a indiqué ignorer si l’intéressé est informé de son parcours et si tel est le cas, s’il souhaite retrouver sa famille d’origine. La commission note qu’il ne peut davantage être préjugé de son accord à être sollicité dans le cadre de la démarche de Madame X et Madame X.
Dans ces conditions, tout en reconnaissant l’importance que revêt cette consultation pour la démarche entreprise par les demanderesses, la commission estime que la communication anticipée de ce dossier porterait une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.
Elle émet par conséquent un avis défavorable.