Avis 20231746 Séance du 11/05/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 mars 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, du dossier concernant les époux X, tous les deux décédés, conservé aux Archives départementales et métropolitaines de Lyon :
- cote X : l'arrêt de la chambre civile de la Cour d'appel pour le divorce des époux X du X.
La commission rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code.
La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En réponse à la demande à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines et de l’architecture a précisé à la commission que son refus faisait suite à l’avis défavorable émis par le procureur général de la cour d’appel de Lyon, dont l’accord préalable est requis, selon les dispositions de l’article L213-3 du code du patrimoine.
La commission constate en l’espèce que le document sollicité par Monsieur X est soumis au délai de soixante-quinze ans prévu par le 4° du I de l’article L213-2 pour ce qui concerne les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, délai ramené à vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l’intéressé. La commission relève par ailleurs que le document est également susceptible d’être soumis au délai de cinquante ans prévu par le 3° des mêmes dispositions pour ce qui concerne les documents dont la communication porterait atteinte à la communication de la vie privée. Il s’ensuit que, bien que les intéressés soient respectivement décédés le 30 juin 1998 et le 17 juin 2005, le dossier relatif à l'arrêt de la cour d'appel sur leur divorce n’est pas encore librement communicable.
La commission observe ensuite que Monsieur X ne fait état pas état d’un lien de parenté avec les personnes concernées et qu’il n’apporte pas d’explications sur la démarche qui le conduit à solliciter la consultation du dossier concerné.
Dans ces conditions, la commission estime que l’intérêt du demandeur à accéder au document ne contrebalance pas l’atteinte aux intérêts que la loi a entendu protéger.
Elle émet par conséquent un avis défavorable.