Avis 20231723 Séance du 11/05/2023

Maître X, conseil de la société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 mars 2023, à la suite du refus opposé par la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) à sa demande de communication de l'ensemble des documents concernant la société éditrice du site web X, incluant notamment : 1) le procès‐verbal de contrôle ; 2) la mise en demeure ; 3) ou tout autre document. La commission, qui a pris connaissance de la réponse exprimée par la présidente de la CNIL, rappelle que la CNIL, lorsqu’elle prononce une mesure correctrice ou une sanction agit en qualité d’autorité administrative chargée d’une mission de service public. Les documents qu’elle produit ou reçoit en cette qualité constituent dès lors des documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle précise que les dispositions du dernier alinéa du II de l'article 20 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui se bornent à attribuer au président de la CNIL la faculté de demander au bureau de rendre publique une mise en demeure, ne font pas obstacle à l’application des dispositions des articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui garantissent à tout administré le principe de la liberté d'accès aux documents administratifs et qu’une telle mise en demeure revêt le caractère de document administratif communicable dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration (avis de partie II n° 20230373 du 30 mars 2023). La commission rappelle ensuite qu’en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables aux tiers les mentions dont la communication porterait atteinte au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles (1°) ou faisant apparaître le comportement de personnes, physiques ou morales, dans des conditions telles que la divulgation de ce comportement pourrait leur porter préjudice (3°), tant que les délais prévus au I de l'article L213-2 du code du patrimoine ne sont pas expirés. Elle précise, d'une part, que pour l'application de cette dernière réserve, elle distingue le rappel de la réglementation en vigueur des constats de manquement à ladite réglementation. Seuls ces derniers, susceptibles de révéler un comportement dont la divulgation porterait préjudice à son auteur, ne sont pas communicables aux tiers en application des dispositions du 3° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, sauf s’il s’agit d’informations relatives à l’environnement (CE, 21 octobre 2016, req. no 392711). Elle observe, à cet égard, que, indépendamment du fait qu'elle soit ou non à l’origine de la plainte ayant justifié une procédure de contrôle concernant la société éditrice du site web X, la société X a la qualité de tiers au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. D'autre part, pour l'appréciation de l'atteinte au secret des affaires, il y a lieu de tenir compte de la communication publique à laquelle la société a elle-même procédé, une information ne relevant du secret des affaires qu’en tant qu’elle demeure secrète (avis no 20183478 du 21 mars 2019). La commission rappelle enfin que l’administration est fondée à refuser la communication d'un document dans son entier lorsque l’occultation partielle priverait ce document de son intelligibilité (CE, 25 mai 1990, Lebon T. 780) ou de son sens (CE, 4 janv. 1995, req. no 117750), ou la communication de tout intérêt (CE, 26 mai 2014, req. no 342339). En l’espèce, la commission estime, en premier lieu, que les documents sollicités aux points 1) et 3) sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous les réserves précédemment rappelés, tenant à la préservation du secret des affaires et à l'occultation des mentions faisant apparaître le comportement de la société mise en cause, dans des conditions telles que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, à condition que ces occultations ne dénaturent pas le sens des documents concernés et ne privent pas d’intérêt leur communication. Elle relève qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée, la présidente de la CNIL lui a communiqué une partie des documents en cause, constitués d'un procès-verbal de constatations en ligne du 21 avril 2021, d'un courrier adressé à la CNIL par la société éditrice du site web X le 4 juin 2021, d'un questionnaire adressé à la société le 13 juillet 2021 et d'un courrier de clôture du 20 septembre 2021, dans une version occultée et dans une version non occultée. La commission estime que les occultations envisagées par la CNIL le sont à juste titre au regard des règles et principes susmentionnés et que, contrairement à ce que fait valoir l'administration, ces occultations ne dénaturent pas le sens des documents concernés au point de priver d’intérêt leur communication. Ces documents sont, dès lors, communicables à toute personne qui en fait la demande, dans leur version occultée. Elle comprend également, à la lecture des pièces adressées par la CNIL, que d'autres documents susceptibles de satisfaire à la demande de Maître X existent, tels la décision n° 2021-043C du 6 avril 2021 de la CNIL initiant le contrôle, un courrier du service des contrôles du 22 avril 2021, un courrier électronique du 4 juin 2021 adressé à la CNIL par la société éditrice du site web X ou encore un ordre de mission désignant les personnes habilitées à effectuer les vérifications, dont elle n'a pu prendre connaissance. Elle estime que ces derniers documents sont, de même, communicables, dans les conditions et sous les réserves précédemment exposées. Elle émet donc, dans cette mesure et pour ce qui concerne les documents dont elle n'a pu prendre connaissance, sous ces réserves, un avis favorable sur ces points. En second lieu, la commission comprend que la mise en demeure sollicitée au point 2) s'inscrit dans le cadre d'une procédure en manquement ouverte par la CNIL contre un organisme de droit privé, en application des dispositions du II de l'article 20 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Elle estime que ce document, eu égard à son objet et à la procédure dans laquelle il intervient, révèle nécessairement, de la part de cet organisme, un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. Elle considère, par suite, que ce document, eu égard à l’ampleur des mentions nécessairement protégées, n’est pas communicable à la demanderesse qui dispose de la qualité de tiers au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet, dès lors, un avis défavorable sur ce point.