Conseil 20231642 Séance du 20/04/2023

La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 20 avril 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable, dans le cadre de la restauration collective des écoles primaires de la ville de Rennes, des étiquettes de viande de bœuf / fiches techniques des plats contenant de la viande de bœuf, ainsi que les bons de commandes associés, conservés pour le mois de février 2023, sachant que ces documents dévoilent des détails techniques sur l'exécution du marché, notamment des informations sur l’origine de la viande (né, élevé et abattu) ainsi que le dernier industriel en contact avec la viande (via l’estampille sanitaire). La commission relève, à titre liminaire, que l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration s’oppose à ce que soient divulgués à des tiers les documents dont la « communication porterait atteinte (…) au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L300-2 est soumise à la concurrence ». Elle rappelle ensuite que, selon l’article L151-1 du code de commerce, est protégée par le secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : « (…) / 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; / 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; / 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. ». Elle constate que ces dispositions font état de critères de nature différente et reposent sur une économie différente et considère, dès lors, qu'elles ne sauraient faire l’objet d’une lecture « combinée » mais cumulative. Ainsi, une information ne relève du secret des affaires qu’à la condition de répondre à la définition prévue à l’article L311-6 et de satisfaire les conditions posées à l’article L151-1. La commission souligne néanmoins les difficultés voire l’impossibilité, pour les administrations, de porter une appréciation circonstanciée sur les documents qu’elles détiennent au regard des exigences de l’article L151-1 du code de commerce, compte tenu de la nature de celles-ci et de la connaissance des entreprises et des secteurs qu’elles supposent. Elle en déduit que lorsque les informations contenues dans un document administratif relèvent du secret des procédés, des informations économiques et financières ou des stratégies commerciales ou industrielles, il y a lieu de présumer que les exigences prévues par le code de commerce sont satisfaites et que le document relève du secret des affaires. Il appartiendra, le cas échéant, au demandeur ou à l’administration de constater que ces exigences ne sont pas remplies pour contester ou remettre en cause une telle présomption. La commission relève d’ailleurs qu’elle procède, en pratique, d’ores et déjà ainsi (avis n° 20224385, du 13 octobre 2022). En premier lieu, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. En deuxième lieu, la commission relève que dans un conseil n° 20216026, du 16 décembre 2021, elle a précisé les principes de communication de la marque et du type de matériel ou de produit proposé par l'attributaire dans son offre en relevant qu'il convenait de tenir compte de l'objet du marché. En effet, lorsque l'objet du marché ne porte pas sur la fourniture de produits mais sur l'accomplissement de travaux ou prestations, l'indication des moyens et procédés mis en œuvre par l'attributaire pour exécuter le marché, par exemple l'indication des produits et matériaux utilisés, relève du secret des affaires protégé par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Dans cette hypothèse, de telles informations ne sont pas communicables (avis CADA n° 20170927 du 11 mai 2017). En revanche, dans le cas d'un marché de fourniture de produits, les pièces du marché font nécessairement apparaître les marques et caractéristiques des produits proposés par l'attributaire, ces éléments correspondant aux caractéristiques de l'offre retenue (avis CADA n° 20173027 du 21 septembre 2017 à, propos d'un marché de fourniture de photocopieurs). La marque et le type de produits proposés par l'attributaire sont donc, dans cette hypothèse, communicables à toute personne qui le demande (avis CADA n° 20164396 du 17 novembre 2016). Relèveraient en revanche du secret des affaires les documents qui feraient apparaître, par exemple, les coûts ou procédés de fabrication des produits ou le prix auquel le titulaire du marché se les serait procurés auprès de ses propres fournisseurs. En troisième et dernier leu, la commission rappelle, comme elle l'a fait dans ses avis n° 20195611, du 2 avril 2020 et n° 20212066, du 27 mai 2021 que les fiches techniques relatives à la composition des repas de la restauration scolaire, qui sont susceptibles d'inclure des fiches ingrédients et des fiches recettes, constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, après occultation préalable des mentions et documents protégés par le secret des affaires. La commission estime que la composition exacte d'un produit peut relever du secret des procédés. Elle observe, d'une part, que les fiches ingrédients comportent des informations techniques, nutritionnelles et éventuellement logistiques sur chacun des ingrédients utilisés dans la composition des plats proposés. Elle constate que ces informations sont pour la plupart aisément accessibles au public en ligne, parfois même directement sur le site des industriels producteurs de ces ingrédients. Elle estime ainsi que les fiches ingrédients ne comportent aucune mention couverte par le secret des affaires qu’il conviendrait d’occulter préalablement. Elle estime, d'autre part, s’agissant des produits transformés, que la liste des ingrédients composant un plat n’est pas protégée par le secret des affaires mais qu’en revanche, leur quantité exacte dans cette composition relève du secret des procédés. Il conviendra, dès lors, de procéder à l’occultation des quantités de chaque ingrédient préalablement à toute communication des fiches techniques des produits transformés. La commission estime également que le grammage d’un plat, dès lors qu’il en dévoile la composition exacte, peut relever du secret des procédés. La commission vous invite dès lors, dans cette mesure et sous ces réserves, à répondre favorablement à la demande. Elle précise que les informations sur l’origine de la viande ainsi que sur le dernier industriel en contact avec la viande, nécessaires à la traçabilité des produits proposés dans la restauration collective des établissements scolaires ne relève pas du secret des affaires et est donc librement communicable en application de l'article L311-1 du CRPA.