Conseil 20231521 Séance du 30/03/2023
La Commission d’accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 30 mars 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable à un agent se plaignant d'un harcèlement moral non reconnu à la suite d'une enquête administrative des documents suivants :
1) la liste des personnes auditionnées dans le cadre de l'enquête ;
2) les procès-verbaux d'audition des agents entendus.
La commission considère qu'un rapport d’enquête administrative accompagné de ses annexes constitue un document administratif en principe communicable sur le fondement des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, à la condition, d'une part, que l'enquête soit achevée, d'autre part, que ce document ne présente plus un caractère préparatoire à une décision en cours d'élaboration, par exemple une décision disciplinaire, et enfin qu'une procédure disciplinaire ne soit pas en cours, auquel cas le code des relations entre le public et l'administration ne trouverait plus à s'appliquer au profit des dispositions régissant une telle procédure.
Elle précise ensuite qu'en application des dispositions de l'article L311-6 du même code, « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) ; 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ».
Elle estime, en premier lieu, que les documents établis dans le cadre d’une enquête administrative présentant les faits de façon objective et formulant des recommandations afin de traiter un différend sont librement communicables. Elle rappelle, à cet égard, que les passages d'un rapport qui, sans mettre directement en cause une personne physique nommément désignée et sans révéler de manquements graves, analysent, même de façon critique, l'activité du service, sa gestion et sa situation financière, n'entrent pas dans le champ des mentions dont la divulgation serait contraire à l'article L311-6 et n’ont donc pas à être occultées.
Elle relève, en deuxième lieu, que l'identité des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête administrative mettant en cause un agent, associée au propos tenus, est de nature à révéler un comportement de leur part dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice, en application du 3° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Cette information n’est dès lors pas communicable aux tiers, y compris à l’agent visé par cette enquête ou à celui qui en est à l’origine.
La commission indique, en troisième lieu, que les procès-verbaux d'audition ne sont en principe communicables qu’à chacun des agents auditionnés, pour ce qui le concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Elle relève également que les passages relatant les propos tenus par la personne ayant mené l’entretien, qui révéleraient le comportement d’une tierce personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice, ou qui porteraient une appréciation ou un jugement de valeur sur un tiers doivent toutefois être préalablement occultés.
La commission estime, en quatrième lieu, que l’agent mis en cause peut avoir accès aux appréciations et jugements de valeur qui sont portés sur lui par les agents interrogés, à condition toutefois que ces derniers ne soient pas identifiables, que ce soit directement ou par déduction eu égard aux propos tenus. Les mentions de ces documents se rapportant à des tiers, entrant dans le champ des dispositions de l’article L311-6, doivent en revanche être préalablement occultées.
La personne dont la plainte a donné lieu à l'engagement d'une enquête administrative doit pour sa part être regardée comme un tiers. Les mentions des comptes rendus d’audition divulguant le comportement des agents interrogés ou de celui qui fait l'objet de l'enquête d'une manière susceptible de leur porter préjudice, ainsi que celles qui font apparaître des appréciations et jugements de valeur, notamment sur l'agent mis en cause, ne leur sont dès lors pas communicables. Ces mentions doivent être préalablement occultées, sous réserve que ces occultations ne dénaturent pas le sens du document concerné et ne privent pas d’intérêt la communication, auquel cas un refus peut être opposé.
En l’espèce, la commission relève que les documents sollicités s’inscrivent dans le cadre d’une enquête administrative afférente à des agissements de harcèlement moral au travail dont le demandeur estime avoir été victime de la part d’un autre agent.
En application des principes rappelés ci-dessus, elle estime que la liste des agents auditionnés dans le cadre de cette enquête est couverte par le 3° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et ne lui est pas communicable.
Elle relève ensuite que les comptes rendus des auditions des agents interrogés, dont elle a pris connaissance, comportent de nombreuses informations susceptibles aussi bien de permettre l’identification de leur auteur que portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une ou plusieurs personnes physiques, nommément désignées ou facilement identifiables autre que le demandeur, ou faisant apparaître le comportement de personnes autre que ce dernier, dont la divulgation pourrait leur porter préjudice.
La commission considère par ailleurs que les occultations qui seraient nécessaires en vertu de ce qui vient d’être dit conduiraient à priver de leur sens les documents sollicités.
Elle vous invite, par suite, à rejeter cette demande.