Avis 20231436 Séance du 01/06/2023

Maître X, conseil de X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 14 mars 2023, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication des documents suivants concernant Monsieur X, époux de sa cliente décédé X : 1) la liste des commissions pluridisciplinaires uniques le concernant et mentionnant : a) l’objet de la commission ; b) les commentaires préalables ; c) les dates et objets de la réunion ; d) les thèmes, actions et suivis ; 2) la liste des entretiens avec les services médicaux ; 3) la liste des entretiens avec le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) ; 4) les mentions de risques de suicide le concernant ; 5) l’ensemble des décisions du chef d’établissement le concernant ; 6) la liste des consignes judiciaires, médicales ou pénitentiaires le concernant ; 7) la liste de ses affectations en cellule ; 8) la liste des observations concernant sa détention ; 9) la liste des activités auxquelles il a participé ; 10) la liste des audiences, rendez-vous, convocations et entretiens, mentionnant les dates, les thèmes, les personnes présentes et les comptes-rendus ; 11) l’ensemble des courriers qu'il a adressés à la direction de l’établissement ; 12) l’ensemble des courriers que la direction de l’établissement lui a adressés. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le garde des sceaux, ministre de la justice, a informé la commission de ce que les documents visés aux points 1), 3), 7), 8), 9) et 10) ont été intégralement communiqués à Maître X, par courrier du 28 avril 2023, dont il joint une copie. La commission en prend note et ne peut que déclarer sans objet la demande sur ces points. S'agissant des documents visés au point 4), la commission relève que, par le courrier susmentionné, le ministre a transmis à Maître X la grille d'évaluation du risque suicidaire renseignée à l'arrivée de Monsieur X au centre pénitentiaire de Fresnes ainsi que plusieurs "détails d'audience" faisant état de l'état psychologique de Monsieur X. La commission, qui comprend qu'aucun autre document n'est susceptible de satisfaire le point de la demande, ne peut que le déclarer sans objet. S'agissant des documents visés au point 5), la commission relève que, par le courrier susmentionné, le ministre a transmis à Maître X la quote discipline du dossier administratif de Monsieur X et qu'aucune décision du chef d'établissement n'a été prise à l'encontre de ce dernier. La commission ne peut donc que déclarer sans objet la demande sur ce point. S'agissant des documents visés au point 6), la commission relève que, par le courrier susmentionné, le ministre a transmis à Maître X la liste des consignes judiciaires et pénitentiaires concernant Monsieur X. La commission ne peut donc que déclarer sans objet, dans cette mesure, ce point de la demande. S'agissant des documents visés aux points 11) et 12), la commission relève que, par le courrier susmentionné, le ministre a transmis à Maître X un courrier adressé à Maître X le 2 mars 2022 ainsi que la réponse qui lui a été adressée le 14 mars suivant. Elle relève également des éléments portés à sa connaissance que le dossier administratif de Monsieur X ne comprend pas de courrier adressé par ce dernier à la direction de l'établissement. Elle comprend qu'il ne comprend pas davantage de courrier adressés par la direction de l'établissement à son endroit. La commission ne peut dès lors que déclarer sans objet ces points de la demande. S'agissant enfin des documents visés au point 2) et des consignes médicales visées au point 6), la commission rappelle que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical. La commission précise que l’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur. La commission relève qu’en l’espèce, le patient décédé, dont des informations médicales sont demandées par son épouse, était incarcéré X. Elle comprend que Madame X, épouse de Monsieur X, cherche, par cette demande, à comprendre les circonstances du décès de son époux survenu lors de sa détention. La commission estime que, dans une configuration telle que celle de l’espèce, les causes de la mort au sens de l’article L1110-4 du code de la santé publique ne peuvent être réduites au seul « passage à l’acte », mais comprennent l’ensemble des éléments susceptibles de l’expliquer, notamment l’état psychiatrique du défunt. Elle estime que la détermination des causes de la mort et la possibilité d’en trouver, le cas échéant, des éléments de compréhension peuvent se trouver au sein du dossier médical (Conseil de partie II n° 20223495 du 7 juillet 2022). Elle en déduit que, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès, sont communicables à Maître X l’ensemble des éléments susceptibles, directement ou indirectement, d’établir ou d’écarter d’éventuels liens - quels qu’ils soient - entre l’incarcération, l’état de santé du défunt au cours de celle-ci et son suicide, qu’il s’agisse d’informations relatives à son comportement, aux pathologies diagnostiquées, aux traitements suivis, aux conditions de sa détention ou encore à l’existence ou l’absence de risques de passage à l’acte. Elle précise à cet égard que, dans de telles conditions, une communication large du dossier paraît se justifier. Elle émet donc, sous réserve que les documents visés permettent de satisfaire un tel objectif, et dans cette seule mesure, un avis favorable aux points 2) et 6) de la demande.