Avis 20231257 Séance du 20/04/2023

Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 28 février 2023, à la suite du refus opposé par le président de la communauté de communes Thann-Cernay (CCTC) à sa demande de communication des documents suivants : 1) les factures concernant la redevance d'enlèvement des ordures ménagères pour les bâtiments communaux de Cernay, Steinbach, Uffoltz, Wattwiller de 2005 à 2022 et des communes membres de la communauté de communes depuis 2013 ; 2) tous les titres exécutoires émis par la CCTC revendiqués par Monsieur X, comptable public, pour la période de 2005 à 2022 ainsi que son acte du 17 novembre 2022 ; 3) toutes les délibérations du conseil de communauté aux dates suivantes : 22 février 2014, 13 décembre 2014, 12 décembre 2015, 10 décembre 2016, 9 décembre 2017, 15 décembre 2018, 14 décembre 2019, 19 décembre 2020, 11 décembre 2021 ; 4) tous les documents utilisés pour justifier les deux saisies du 26 octobre 2021 et du 7 mars 2022 ; 5) le détail du budget correspondant aux honoraires versés aux différents intervenants ayant représentés le président de la CCTC devant les juridictions judiciaires et administratives. Après avoir pris connaissance de la réponse du président de la communauté de communes Thann-Cernay, la commission rappelle, en premier lieu, qu’une demande de communication de documents administratifs doit être suffisamment précise pour permettre à l'administration d'identifier clairement le ou les documents souhaités, sans l'obliger à procéder à des recherches. En effet, le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux administrations de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE 27 sept. 1985, Ordre des avocats au barreau de Lyon c/ X, req. n° 56543, Lebon 267. – CE 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, req. n° 83477). En l'espèce, la commission considère que la demande telle que formulée aux points 1), 2), 4) et 5), qui vise plusieurs catégories de documents, voire des renseignements, sur une période de temps significative ou sans aucune borne temporelle, ne met pas l'administration saisie en mesure d'identifier précisément et sans recherche approfondie, les documents susceptibles d'y répondre. La commission déclare en conséquence la demande irrecevable dans cette mesure. En deuxième lieu, elle rappelle qu’il résulte de l'article L5211-46 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale, des arrêtés de leur président, ainsi que de leurs budgets et de leurs comptes. L’ensemble des pièces annexées à ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. La commission émet par conséquent un avis favorable à la communication des délibérations mentionnées au point 3). Elle rappelle enfin que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France n° 420055, 422500, le Conseil d’Etat a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupéry, n° 426623). La commission rappelle, en outre, que le droit à la communication des documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent donc, en principe, pas fonder un refus de communication. Elle relève, toutefois, que, dans un avis n° 20220207 du 10 mars 2022, elle a fait évoluer sa doctrine en retenant désormais que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’Etat (CE, 17 mars 2022, n° 449620). En l'espèce, il n'est pas apparu à la commission, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et des éléments portés à sa connaissance, que la demande de Monsieur X présenterait un caractère abusif, alors même qu'il a diligenté depuis plusieurs années des procédures juridictionnelles, radiées à de nombreuses reprises, à l'encontre de la communauté de communes et qu'il ne fait état d'aucun intérêt particulier qui s'attacherait à la communication de ces documents, pour lui ou pour le public. Elle invite toutefois Monsieur X à faire preuve de discernement et de modération dans l'usage qu'Il fait du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.