Avis 20231199 Séance du 20/04/2023

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 2 mars 2023, à la suite du refus opposé par le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale du Nord à sa demande de communication d'une copie des documents suivants : 1) le nombre de demande d’autorisations pour la pratique de l'instruction en famille ( IEF) ; 2) le nombre de contrôles par an réalisé par le rectorat dans les familles qui souhaitent pratiquer l'IEF ; 3) toutes les statistiques disponibles traitant du nombre de refus, et des motifs des refus. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale du Nord a informé la commission qu'il n'était pas autorisé à communiquer les données sollicitées, seul le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, auquel les données sont adressées étant en capacité de le faire. La commission en prend note mais rappelle, toutefois, que lorsqu'elle est saisie d'une demande d'accès présentée sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration, il incombe à l'autorité détentrice d'un document administratif communicable de procéder à sa communication. Par ailleurs, en application du sixième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, lorsqu'une administration au sens de l'article L300-2 du code précité est saisie d'une demande de communication portant sur un document administratif qu'elle ne détient pas mais qui est détenu par une autre administration, elle la transmet à cette dernière et en avise le demandeur. La commission relève que, selon l’article L131-6 du code de l'éducation, afin de contrôler le respect de l'obligation scolaire, chaque année, « à la rentrée scolaire, le maire dresse la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l'obligation scolaire. Les personnes responsables doivent y faire inscrire les enfants dont elles ont la garde » . Parallèlement, en application de l'article L131-5 du même code, les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation d'instruction, qui n'ont pas inscrit leur enfant dans un établissement scolaire public ou privé et qui désirent l'instruire à domicile, doivent chaque année déclarer au maire de la commune de résidence et à l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale qu'elles feront donner l'instruction dans la famille. La commission relève en outre qu'aux termes des dispositions de l'article L131-10 du code de l'éducation : « Les enfants soumis à l'obligation scolaire qui reçoivent l'instruction dans leur famille, y compris dans le cadre d'une inscription dans un établissement d'enseignement à distance, sont dès la première année, et tous les deux ans, l'objet d'une enquête de la mairie compétente, uniquement aux fins d'établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables, et s'il leur est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête est communiqué à l'autorité de l’État compétente en matière d'éducation. /(…) L'autorité de l’État compétente en matière d'éducation doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d'instruction par la famille, faire vérifier que l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction tel que défini à l'article L131-1-1. » . La commission précise que les déclarations d’instruction en famille et rapports d'enquêtes ne sont communicables qu'aux représentants légaux de l'enfant recevant l'instruction dans sa famille, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Elle relève, toutefois qu'en l'espèce, la demande porte sur des statistiques. La commission rappelle que les statistiques élaborées par l'administration constituent des documents ou des données communicables sur le fondement des dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, les dispositions de l'article L311-6 de ce code prévoient que ne sont pas communicables à des tiers les documents ou mentions dont la communication porterait atteinte, notamment, à la protection de la vie privée. La commission estime, à cet égard, que si des données statistiques ne permettent pas d'écarter l'identification des personnes concernées, elles doivent être regardées comme protégées par la vie privée et ne sont dès lors pas communicables aux tiers sur le fondement du code des relations entre le public et l'administration. En l'espèce, la commission, qui ne dispose d'aucune information lui laissant penser que les données sollicitées seraient protégées par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, estime que celles-ci sont communicables, à condition qu'elles figurent dans un document existant en l'état ou susceptible d'être obtenu par un traitement automatisé d'usage courant. A cet égard, la commission rappelle que le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées, ni d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Ministre d'État, Ministre de l’éducation nationale, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection, n° 152393) En revanche, la commission considère de manière constante que sont des documents administratifs existants au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, ceux qui sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, publié aux Tables, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable, laquelle doit être interprétée de façon objective. La commission précise, à ce titre, que les informations demandées doivent pouvoir être obtenues par un traitement automatisé de données, sans retraitements successifs, en particulier par des interventions manuelles. Elle estime également que, lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel le fichier informatique dans lequel elles sont contenues a été créé, l'ensemble des informations sollicitées ne peut alors être regardé comme constituant un document administratif existant (avis n° 20222817, 20222850 et 20222936 du 23 juin 2022). Une demande portant sur la communication d'un tel ensemble d'informations doit dès lors être regardée comme tendant à la constitution d'un nouveau document (Conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013) et, par suite, être déclarée irrecevable. Elle émet, par suite, sous cette réserve, un avis favorable à la demande et invite le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale du Nord à procéder le cas échéant à la transmission de la demande au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse accompagnée du présent avis, et à en aviser le demandeur.