Avis 20231148 Séance du 20/04/2023
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 mars 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines et de l'architecture à sa demande de consultation, par dérogation aux règles de communicabilité des archives publiques fixées par l'article L213-2 du code du patrimoine, pour les besoins d'une recherche personnelle concernant un accident de la circulation ayant entraîné la mort d'un membre de sa famille, des articles suivants :
Tribunal de grande instance de Blois
1) 1075 W 1 à 16, 39 à 52, 69 à 90 ;
2) 1720 W 4 à 20, 46 à 57 ;
3) 2116 W 1 à 73.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des patrimoines et de l'architecture a indiqué à la commission que son refus était motivé par le fait que le tribunal judiciaire de Blois, dont l'avis est requis par l'article L213-3 du code du patrimoine, a notifié son opposition à ce que les dossiers demandés soient communiqués à Monsieur X, dans la mesure où il n'est pas certain qu'une procédure judiciaire intéressant sa recherche ait eu lieu. Le directeur général des patrimoines et de l'architecture souligne qu'à supposer que l'enquête ait débouché sur une procédure judiciaire, les informations données par le demandeur ne permettent pas de déterminer sa date ni la juridiction devant laquelle cette procédure aurait été portée. La directrice des Archives départementales du Loir-et-Cher lui a en outre indiqué que les dossiers demandés ne disposent pas d'un instrument de recherche permettant une recherche nominative. Tenue par les dispositions de l'article L213-3 déjà cité, le directeur général des patrimoines et de l'architecture ne pouvait par conséquent qu'opposer un refus à cette demande.
La commission rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, selon le 4° du I de cet article les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, sous réserve des dispositions particulières relatives aux jugements, et à l'exécution des décisions de justice, ne sont communicables qu'à l'issue d'un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref.
La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20150939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’Etat a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l'espèce, la commission comprend des éléments d'information portés à sa connaissance que ni l'existence du dossier relatif à la recherche de Monsieur X ni son appartenance aux archives du tribunal judiciaire de Blois ne sont établies. La commission relève par ailleurs que la demande couvre plus de 150 cotes d'archives, chacune contenant plusieurs dossiers d'affaires n'ayant aucun rapport avec la recherche du demandeur et revêtant un caractère sensible pour les personnes intéressées, susceptibles d'être encore en vie.
La commission souligne enfin que les dossiers concernés ne deviendront librement communicables qu'à l'expiration d'un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref.
Dès lors, la commission estime dès lors que l'intérêt indéniable de la recherche menée par Monsieur X, en tenant compte de l'engagement de réserve qu'il a signé de ne pas divulguer les informations non librement communicables qui seraient portées à sa connaissance, ne peut l'emporter sur les intérêts des autres personnes mentionnées dans ces dossiers, et que l'atteinte portée aux intérêts que la loi a entendu protéger serait excessive au regard des droits des tiers concernés.
Pour ces raisons, la commission émet donc un avis défavorable et invite Monsieur X à apporter à l'administration tout élément de nature à restreindre l'étendue de sa recherche.