Avis 20231056 Séance du 30/03/2023
Madame X, pour la société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 février 2023, à la suite du refus opposé par le président du Syndicat mixte Doubs Très Haut Débit à sa demande de copie des documents suivants concernant la convention de délégation de service public pour l'exploitation du réseau de communications électroniques à très haut débit du Doubs attribuée par délibération n° 18-2020 du 2 novembre 2020 à la société X à laquelle s’est substituée sa filiale X, qui a pris le relais de l’exploitation du réseau à compter du 22 septembre 2021 :
1) les pièces constitutives de la convention, ses avenants et ses annexes ;
2) le rapport annuel remis par le concessionnaire.
En l'absence de réponse du président du Syndicat mixte Doubs Très Haut Débit à la date de sa séance, la commission rappelle qu'une fois signés, les délégations de service public définies comme des contrats de concession de travaux ou de service au sens du code de la commande publique (L1121-1 à L1121-3) et les documents qui s'y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
En application de ces principes, la commission estime, en particulier, que les documents du dossier de consultation des entreprises se rapportant à la convention initiale, tels que le cahier des charges ou le règlement de consultation ne revêtent jamais un caractère préparatoire et ne sont pas couverts par le secret des affaires. Ces documents sont, dès lors, intégralement communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration. Il en va de même de la liste des entreprises ayant participé à la procédure.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Sont notamment visées par cette réserve, pour l’ensemble des candidats, y compris l’entreprise retenue, les mentions relatives à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des contrats publics.
La commission considère, en outre, de façon générale que sous réserve des particularités propres à chaque délégation :
- l'offre détaillée de l'entreprise retenue est en principe communicable, dans la mesure où elle reflète la qualité et le coût du service rendu à l’usager ;
- l'offre globale des entreprises non retenues est, en principe, elle aussi communicable. En revanche, le détail technique et financier de leurs offres ne l’est pas. De plus, doivent être occultées dans les documents préalables à la conclusion du contrat de concession (procès-verbaux, rapports de la commission de délégation de service public et de l'autorité habilitée à signer le contrat, documents relatifs à la négociation des offres…) les mentions relatives aux détails techniques et financiers de ces offres ;
- de la même manière, si les moyens techniques et humains mentionnés dans les offres des candidats sont protégés par le secret des affaires, certaines mentions se rapportant au cocontractant, tels que le montant de la masse salariale ou la liste des biens et équipements mis à sa disposition sont en revanche librement communicables, en ce qu’elles reflètent le coût du service ;
- les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du contrat sont librement communicables ;
- le contrat de délégation de service public est communicable ainsi que ses annexes, sous réserve de l'occultation des éléments couverts par le secret des affaires.
S’agissant du rapport annuel du concessionnaire remis à l'autorité délégante, en vertu de l'article L1411-3 du code général des collectivités territoriales, dont celle-ci prend acte et qui est joint au compte administratif en vertu de l'article R1411-8 du même code, a le caractère de document administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration et est communicable à ce titre. La commission relève que si, de manière générale, les pièces annexées aux délibérations, au budget et aux comptes des organes délibérants des communes, des établissements de coopération intercommunale et des syndicats mixtes sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application, respectivement, des articles L2121-26, L5211-46 et L5721-6 du code général des collectivités territoriales, les documents remis par le délégataire de service public de l’organe délibérant ne sont mis à la disposition du public, en vertu de l'article L1411-13 du même code, dans sa version en vigueur avant la codification, que sous les réserves prévues à l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, désormais codifiées à l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Bien qu'elle ne soit pas compétente pour interpréter ledit article L1411-13, la commission estime qu'il en résulte que les exceptions prévues à l'article 6 précités sont opposables en la matière. Elle relève en outre que si cet article 6 a été codifié aux articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, et que dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2016, l’article L1411-13 ne mentionne plus que les réserves prévues à l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, il ne ressort ni des travaux préparatoires de la loi d’habilitation ni de ceux de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession qui a mis à jour la référence à l’article 6 précité, que les auteurs de ces textes ont entendu modifier l’étendue des réserves opposables à cette mesure de publicité.
En conséquence le rapport du délégataire de service public est communicable à toute personne le demandant, sous réserve de l'occultation des mentions protégées par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, et relevant du secret des affaires.
La commission rappelle, sur ce point, que les informations relatives aux moyens humains et techniques et celles reflétant la stratégie commerciale du délégataire sont couvertes par le secret des affaires. En revanche, les données permettant d'apprécier la qualité et le coût du service devant être rendu aux usagers, qui font partie intégrante du contrat, sont librement communicables.
Tel est le cas, en particulier, des informations suivantes, contenues notamment dans le rapport annuel remis à l'autorité concédante en application de l'article L3131-5 du code de la commande publique :
- le montant et les modalités de calcul de la redevance perçue, dès lors que celle-ci a un impact sur le coût du service (conseils n° 20150349 et 20170902) ;
- le résultat d'exploitation, ainsi que les charges et produits de l'exploitation : seules doivent être occultées dans les comptes de résultat et les comptes prévisionnels, les données faisant apparaître de façon détaillée les charges de personnel et de fonctionnement, qui reflètent les moyens techniques et humains de l'entreprise délégataire (conseil n° 20171851) ;
- les données présentant la qualité du service rendu et la fréquentation des usagers, ainsi que la grille tarifaire pour les usagers ;
- la liste des biens et équipements mis à disposition du délégataire et, plus généralement, l’inventaire des biens incluant les biens de retour et les biens de reprise ;
- le programme de renouvellement des équipements par l'exploitant ;
- les tableaux d’amortissement des investissements en biens de retour réalisés par l’autorité délégante, à condition toutefois que la demande concerne les amortissements de la délégation et non les comptes de la société délégataire, sauf à ce que celle-ci soit dédiée à l'activité ;
- les charges de personnel, les charges de structure et les frais financiers dans l'exploitation de l'activité sont communicables dans leur montant total, alors que les éléments détaillés les concernant sont protégés par le secret des affaires à l'instar des effectifs précis des sociétés exploitantes, du montant de leurs actifs et des dettes, du niveau de bénéfice et du taux de rentabilité.
En l'espèce, la commission comprend qu'une partie des documents sollicités, à savoir la convention de délégation de service public et une partie des annexes, a été transmis à la demanderesse. La commission relève cependant que la communication ne satisfait pas Madame X eu égard aux occultations des mentions relatives au secret des affaires auxquelles l'administration a procédé préalablement à cette transmission, et que l'administration a refusé la communication des rapports annuels remis par le concessionnaires et d'une partie des annexes.
La commission souligne à cet égard qu’il ne lui appartient pas d’indiquer précisément et de manière exhaustive, au sein des documents volumineux, les mentions qui doivent être occultées en application des règles rappelées ci-dessus, cette opération incombant à l'administration, mais seulement d’éclairer cette dernière sur le caractère communicable ou non de passages ou informations soulevant des difficultés particulières d’appréciation et sur lesquels la commission attire son attention, dans les conditions décrites ci-dessus.
La commission émet par conséquent un avis favorable à la demande de communication des documents sollicités, pour ceux qui n'auraient pas été déjà communiqués, sous les réserves précitées.