Avis 20231046 Séance du 30/03/2023

Maître X, conseil de l’association « X », a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 février 2023, à la suite du refus opposé par le directeur régional de l'alimentation de l'agriculture et de la forêt d'Auvergne-Rhône-Alpes à sa demande de communication des registres d’utilisation des pesticides agricoles (phytosanitaires), au sens du règlement n° 1107/2009, comprenant les semences traitées : 1) pour les années 2020, 2021 et 2022 (jusqu’au 30 septembre 2022) ; 2) des exploitants agricoles cultivant des parcelles sur les territoires de la commune de Saint-Etienne-la-Varenne. La commission relève qu'aucune disposition du code rural et de la pêche maritime ne prévoit que ce registre soit nécessairement communiqué à l’administration. Elle rappelle, en outre, que, sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui font obligation à une autorité administrative saisie d’une demande de communication de documents qu’elle ne détient pas de transmettre cette demande à l’autorité susceptible de les détenir, ce code ne saurait avoir pour effet d'imposer à une telle autorité de solliciter d'un tiers, tel qu'un exploitant agricole, la remise d'un document qui n’est pas en sa possession afin de satisfaire à une demande de communication. Elle en déduit que dans l'hypothèse où l'autorité saisie ne détiendrait pas les documents sollicités, elle ne pourrait que déclarer la demande d'avis sans objet. En revanche, dans l'hypothèse où l'autorité saisie aurait été destinataire des documents sollicités dans le cadre de l'exercice de ses missions de service public, la commission rappelle qu'aux termes de l’article L124-2 du code de l'environnement, est considérée comme une information relative à l'environnement : « toute information disponible, quel qu'en soit le support, qui a pour objet : / 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; / 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1° ; / 3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; / 4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ; / 5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement. ». Les informations relatives à l’environnement sont soumises au droit de toute personne d'accéder à de telles informations, qui, selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. Elles sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous la seule réserve des motifs légaux de refus de communication énumérés à l'article L124-4 du code de l'environnement ou, en ce qui concerne les émissions dans l’environnement, au II de l'article L124-5 de ce code. Le caractère préparatoire du document ne figure pas au nombre de ces réserves. La commission rappelle à cet égard, d'une part, que le I de l’article L124-4 du code de l’environnement dispose que : « Après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, l’autorité publique peut rejeter la demande d’une information relative à l’environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte : / 1°) Aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e) et au h) du 2° de l'article L311-5 ; (…) 3° Aux intérêts de la personne physique ayant fourni, sans y être contrainte par une disposition législative ou réglementaire ou par un acte d'une autorité administrative ou juridictionnelle, l'information demandée sans consentir à sa divulgation (…). » La communication de ces informations peut être refusée notamment lorsqu’elle porterait atteinte au secret de la vie privée, à la protection des personnes physiques ayant fourni l’information sans y être légalement contraintes, ainsi qu’au secret des affaires, à moins qu'à l'issue d'une mise en balance, l'autorité administrative conclut à un intérêt public supérieur de l'accès du public à l'ensemble des informations. La commission relève, ensuite, que les informations qui se rapportent à l’impact de l’utilisation de produits phytosanitaire sur l’homme, la faune, la flore et les autres éléments de l’environnement constituent des informations relatives à des émissions de substances dans l’environnement au sens du II de l’article L124-5 du code de l’environnement. En vertu de ces dispositions, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des émissions de substances dans l'environnement que dans le cas où sa consultation ou sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. Ces dispositions permettent en revanche la divulgation d'informations couvertes par le secret de la vie privée ou le secret des affaires. En l'espèce, la commission relève qu'aux termes de l'arrêté précité du 16 juin 2009, les registres d'utilisation des produits phytosanitaires tenus par les exploitants agricoles contiennent les informations suivantes : toute utilisation de produits phytopharmaceutiques et biocides (notamment le nom complet de la spécialité commerciale utilisée pour chaque traitement, les quantités et doses de produits utilisées, la date de traitement et la date de remise en pâture après traitement), toute présence repérée d'organisme nuisible ou de symptômes susceptibles d'affecter la sécurité sanitaire des produits d'origine végétale destinés à l'alimentation humaine ou animale, y compris en pâture et les résultats de toute analyse d'échantillons prélevés sur des végétaux ou d'autres échantillons prélevés à des fins de diagnostic, qui revêtent une importance pour la sécurité de l'alimentation humaine ou animale. La commission estime que ces informations sont relatives à des émissions de substances dans l'environnement, communicables à toute personne qui en fait la demande en application des articles L311-1 et L124-1 et suivants du code de l'environnement, sans que puisse être opposé le secret de la vie privée ou le secret des affaires. La commission relève que les registres d'utilisation des produits phytosanitaires peuvent également contenir des données de traçabilité exigées par les prescriptions générales de la législation relative à la sécurité alimentaire ou des règles sanitaires, et notamment la date de récolte, la date de cession, la quantité cédée, la nature des produits primaires cédés et, enfin, le nom et l'adresse (et, le cas échéant, le numéro SIRET) du destinataire. La commission estime que ces informations peuvent être qualifiées d’informations relatives à l’environnement au sens de l’article L124-2 du code de l’environnement, dès lors qu’elles concernent des activités susceptibles d’avoir des incidences notamment sur le sol, les terres, les paysages. Elle estime, toutefois, que leur communication au public ne présente pas, du point de vue de la préservation de l’environnement, un intérêt justifiant que ces éléments très précis sur les récoltes soient communiqués en dépit de l'atteinte au secret de la vie privée, à la protection des personnes physiques ayant fourni l’information sans y être légalement contraintes, ainsi qu’au secret des affaires. Elle estime donc que ces informations doivent être préalablement occultées. La commission émet, sous l'ensemble de ces réserves, un avis favorable à la demande.