Conseil 20231033 Séance du 30/03/2023
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 30 mars 2023 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à un expert judiciaire désigné par le tribunal de commerce de Paris, dans le cadre de l'instruction d’un litige né des travaux de réhabilitation de l'hôtel Amelot de Bisseuil dont il a la charge, du dossier reçu par l’inspection du travail relatif à son contrôle réalisé, à partir 2018, sur un chantier concerné par une problématique liée aux plombs, en particulier les pièces suivantes :
1) l’ensemble des documents relatifs aux chantiers fournis à l’inspectrice du travail par les intervenants du chantier ;
2) les lettres d’observations et éventuels échanges mails ou courriers ;
3) les décisions d’arrêts de chantier ;
4) les demandes de mesurages et vérifications liées aux plombs.
En premier lieu, la commission relève que les dispositions du code des relations entre le public et l'administration ne sauraient faire obstacle aux prérogatives d'investigation dont dispose un expert mandaté par un juge dans le cadre d'une procédure contentieuse. Ainsi, la communication de documents à un expert dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction s'effectue sur le fondement de dispositions particulières, résultant du code de procédure civile, du code de procédure pénale ou du code de justice administrative, avec lesquelles le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne saurait interférer. La commission n'a toutefois pas reçu compétence pour interpréter ces textes particuliers et elle ne peut donc se prononcer sur la communicabilité de ce document sur ce fondement.
En deuxième lieu, la commission vous rappelle que les documents élaborés par l'administration à l'intention de l'autorité judiciaire ou d'une juridiction ne revêtent pas le caractère de documents administratifs mais celui de documents judiciaires ou juridictionnels, lesquels n'entrent pas dans le champ d'application du titre III du code des relations entre le public et l'administration et sur la communication desquels la commission n'est, par suite, pas compétente pour se prononcer.
Pour les documents qui n’ont pas été élaborés dans ce cadre, la commission vous rappelle que les documents et rapports d'enquête produits ou reçus par l'inspection du travail dans le cadre de sa mission de contrôle du respect de l'application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail constituent des documents administratifs soumis au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) à la condition, d'une part, que l'enquête soit achevée, d'autre part, que ces documents ne présentent plus un caractère préparatoire à une décision en cours d'élaboration, par exemple une décision portant sur la reconnaissance ou non d'accident du travail. Font toutefois obstacle à leur communication à des tiers les motifs énumérés à l'article L311-6 du CRPA, notamment les mentions couvertes par le secret de la vie privée ainsi que des mentions portant des appréciations ou des jugements de valeur sur des tiers nommément désignés ou facilement identifiables, ou faisant apparaître le comportement de personnes dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice, en application des 1° à 3° de l'article L311-6 de ce code.
En revanche, la commission rappelle que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus (….) ».
Selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, le droit de toute personne d'accéder à des informations lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement.
La commission rappelle qu'en vertu de l'article L124-4 de ce code, il appartient à l'administration, saisie d'une demande portant sur des informations relatives à l'environnement dont la divulgation pourrait porter atteinte à l'un des intérêts mentionnés à cet article, d'apprécier l'intérêt qui s'attacherait à leur communication avant de statuer sur cette demande.
Toutefois, en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du code de l'environnement, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des émissions de substances dans l'environnement que dans le cas où sa consultation ou sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle
En l’espèce, la commission estime que les documents sollicités sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous les réserves susmentionnées, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration ainsi que, pour les informations environnementales qu'ils contiennent, des articles L124-1 et suivants du code de l'environnement.
Il vous appartient donc, d'une part, d'identifier les informations relatives à l'environnement figurant dans les documents et de leur appliquer le droit d'accès résultant du code de l'environnement, tel que rappelé précédemment et, d'autre part, pour le surplus, de faire application du droit d'accès résultant du code des relations entre le public et l'administration. Est sans incidence, à cet égard, la circonstance que la demande s'inscrirait dans le cadre d'un litige commercial portant sur des travaux de construction.