Avis 20230822 Séance du 30/03/2023

Maître X, conseil du X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 février 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à sa demande de communication des documents suivants concernant les deux accords-cadres multi-attributaires ayant pour objet des prestations de réalisation et réparation de prothèses dentaires à façon nécessaires aux besoins des centres dentaires des hôpitaux Bretonneau et Louis Mourier du groupe hospitalier universitaire Paris Nord Val de Seine de l’APHP (lot 1 A et lot 1 B), pour lesquels son client est titulaire et co-attributaire : 1) les marchés confiés au co-attributaire s’agissant des lots 1 A et 1 B en 2016 ; 2) les marchés confiés au co-attributaire s’agissant des lots 1 A et 1 B en 2019 ; 3) les éventuels avenants conclus pour augmenter la capacité de facturation du co-attributaire ; 4) l’état détaillé des commandes passées auprès du co-attributaire relatives aux accords-cadres multi-attributaires conclus en 2016 et 2019. En l'absence de réponse du directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à la date de sa séance, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, « Centre hospitalier de Perpignan » (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé. En outre, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent notamment entraîner l’occultation des mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics. Cette position doit toutefois être adaptée au caractère très particulier des accords-cadres à marchés subséquents, prévus par l'article 4 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et par les articles 78 et suivants du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, désormais régis par les articles R2162-1 et suivants du code de la commande publique. Ainsi, aux termes de l'article R2162-2 du code de la commande publique : « Lorsque l'accord-cadre ne fixe pas toutes les stipulations contractuelles, il donne lieu à la conclusion de marchés subséquents dans les conditions fixées aux articles R2162-7 à R2162-12 ». Selon les dispositions de l'article R2162-10 de ce code, lorsqu'un accord-cadre est conclu avec plusieurs opérateurs économiques, le pouvoir adjudicateur organise une mise en concurrence, consulte par écrit les titulaires de l'accord-cadre, fixe un délai suffisant pour la présentation des offres qui devront être proposées conformément aux caractéristiques fixées par l'accord-cadre et les documents de la consultation propres au marché subséquent. En outre, cet article précise que le marché subséquent est attribué à celui ou à ceux des titulaires de l'accord-cadre qui ont présenté les offres économiquement les plus avantageuses, sur la base des critères d'attribution énoncés dans l'accord-cadre. De plus, selon l'article R2162-12 : « Lorsqu'une remise en concurrence est prévue, l'entité adjudicatrice fixe un délai suffisant pour permettre la présentation des offres. Le marché subséquent est attribué à celui ou à ceux des titulaires de l'accord-cadre qui ont présenté les offres économiquement les plus avantageuses, sur la base des critères d'attribution définis dans l'accord-cadre. » Comme elle a déjà pu le préciser dans ses conseils n° 20073774 du 25 octobre 2007 et 20074583 du 22 novembre 2007, la commission estime qu'il ressort de ces dispositions que la signature d'un accord-cadre retenant plusieurs entreprises ne vaut pas attribution du marché et ne met pas fin à la mise en concurrence qui se poursuivra entre les entreprises retenues pendant toute la durée de l'accord. Le droit d'accès aux documents relatifs à ce dernier doit donc être défini de manière à ne pas porter atteinte à la concurrence entre ces entreprises ce qui conduit à en restreindre la portée par rapport aux contrats ou marchés publics habituels. De même, la portée du droit d'accès à un marché passé sur le fondement de l'accord-cadre est réduite, par rapport aux contrats ou marchés publics habituels, dans tous les cas où l'attribution du marché en cause n'épuise pas les possibilités de nouvelles mises en concurrence ouvertes pour l'attribution d'autres marchés sur le fondement du même accord-cadre. Il importe en effet de veiller à ce que la communication des informations sollicitées n'affecte pas la concurrence pour la passation des marchés sur le fondement de l'accord-cadre, tant que ce dernier reste applicable, ce qui porterait atteinte au secret des affaires protégé par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Dans cette hypothèse, la commission estime que la communication à des tiers des caractéristiques de l'offre retenue au titre de marchés subséquents et, de manière générale, les informations qui se rapportent aux offres présentées, porterait atteinte au secret des affaires protégé par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Seules les caractéristiques générales du marché subséquent sont communicables à toute personne qui en fait la demande. La commission note toutefois, à cet égard, que l'accord-cadre conclu en 2016 serait échu, à la différence de ceux conclus en 2019. Compte tenu de ces éléments, la commission estime que les documents visés aux points 1) à 3), s'ils existent, sont communicables au demandeur, sous réserve de l'occultation préalable des mentions protégées par le secret des affaires. Elle estime qu'il en va de même de la liste visée au point 4), en fonction du degré de détail sollicité, dès lors qu'elle comprendrait nécessairement des informations figurant dans les marchés sollicités. Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable.