Avis 20230735 Séance du 09/03/2023
Maître X, conseil de Madame X X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication, de préférence par voie dématérialisée, afin de connaître les cause de la mort et faire valoir les droits du défunt, des documents concernant l’époux décédé de sa cliente, X, X :
1) les éléments constituant l'organisation du service de psychiatrie au sein de l'établissement pénitencier ;
2) l'organigramme de service en vigueur à compter de 2015 jusqu'en 2021 ;
3) les tableaux de service des personnels médicaux et paramédicaux ;
4) la convention liant l'APHM et la prison des Baumettes ;
5) les procès-verbaux du comité technique d'établissement et de la commission médicale d'établissement relatifs au nouveau projet d'établissement au sein des Baumettes et la réorganisation des services depuis 2016 ;
6) le document unique d'évaluation des risques concernant les personnels affectés à la prison des Baumettes (médicaux et paramédicaux) ;
7) les différentes alertes reçues par l'APHM des chefs de pôle, syndicats et médecine de prévention concernant les conditions de travail des personnels au sein des Baumettes ;
8) la liste des événements indésirables concernant les personnels ;
9) les rapports de CHSCT de visite sur site, alertes et discussions concernant les conditions de travail au sein de la prison des Baumettes depuis 2015.
10) la charte informatique de l'APHM et en particulier celle en vigueur au sein de la prison des Baumettes pour l'ensemble des personnels (archivage, confidentialité, secret médical, répartition des postes ... ).
La commission estime, en premier lieu, que les documents mentionnés aux points 1) à 7) et 9) à 10) sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Elle précise, toutefois, d'une part, s'agissant de documents qui se rapportent à un établissement pénitentiaire, que devront être préalablement occultés les éléments dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, en application des dispositions de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration.
La commission rappelle, d'autre part, qu'aux termes de l'article L311-6 : « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical (...) ; 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. »
Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon, que la personne intéressée, au sens de ces dispositions, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. La qualité de personne intéressée a été reconnue aux ayants droit sollicitant la communication d'un document utile à la défense de leurs droits patrimoniaux en qualité d'héritier ou des droits à pension en tant que conjoint (avis n° 20164455, du 17 décembre 2016; avis n° 20183964, du 20 décembre 2018), ainsi qu'à ceux s'inscrivant dans une démarche tendant à la réparation d’un dommage subi par une personne décédée, à l’égard des documents nécessaires à l’établissement de ce préjudice et à l'engagement de la responsabilité de son auteur, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès (avis n° 20212776, du 6 mai 2021).
En l'espèce, la commission observe que Monsieur X au centre pénitentiaire des Baumettes. Après une reconnaissance de sa maladie comme étant imputable au service, X. Son épouse a présenté une demande de communication afin de recueillir des éléments nécessaires pour engager la responsabilité pour faute de l’APHM et demander réparation du préjudice subi.
En l'espèce, la commission estime que devront être préalablement occultées les mentions se rapportant à des tiers autre que Monsieur X, entrant dans le champ des dispositions de l'article L311-6. Elle considère en revanche que compte tenu de sa démarche, Madame X dispose de la qualité de personne intéressée à l'égard des éléments qui se rapporteraient à son défunt mari. Ces éléments lui seront donc communicables, à condition d'être nécessaires à l’établissement de son préjudice et à l'engagement de la responsabilité de l'APHM et sauf volonté contraire exprimée par son époux avant son décès.
S'agissant du point 8), la commission estime que ces documents, s'ils existent ou sont susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, constituent des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à un secret protégé par l'article L311-6 du même code.
Si ces documents traitent d'incidents impersonnels, ils seront communicables de plein droit à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code précité.
En revanche, s'ils comportent des informations médicales ou relatives à la vie privée des personnes visées par les signalements et des professionnels à l'origine de ces derniers, s'ils portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique ou s'ils font apparaître le comportement sur une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice, ces documents ne pourront être communiqués que dans une version anonymisée, sous la réserve stricte que cette opération permette d'empêcher toute identification des personnes qui y sont mentionnées, directe ou indirecte, en particulier des personnes visées par les signalements et des professionnels à l'origine de ces derniers. Lorsque cette anonymisation est impossible, les documents retraçant les incidents survenus dans un établissement, dès lors que leur auteur est identifiable, ne sont communicables qu'à la personne ayant signalé l'incident ou ses ayants droits dans les conditions rappelées ci-dessus, à l'exclusion des tiers.
La commission émet, sous ces réserves, un avis favorable sur ce point.