Avis 20230650 Séance du 09/03/2023

Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 1er février 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général du patrimoine à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, du dossier relatif au jugement concernant son grand-père biologique, conservé aux Archives départementales de la Dordogne, sous la cote suivante : X : Tribunal de grande instance de Bergerac - X : dossier d'instruction et jugement de X inculpé de viol sur mineure de 15 ans et attentats à la pudeur sur mineure de moins de 15 ans (1989-1990). La Commission, qui a pris connaissance des observations du directeur général des patrimoines, rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. La Commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La Commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2005), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la Commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. En l'espèce, le directeur général des patrimoines a informé la Commission de ce que son refus était motivé par le fait que le tribunal judiciaire de Bergerac, dont l'avis est requis par l'article L213-3 du code du patrimoine, lui a notifié son opposition à ce que cette communication soit accordée à Madame X, en raison de la sensibilité des informations contenus dans le dossier, et de l’avis défavorable également émis par la directrice des archives départementales de Dordogne. La Commission rappelle qu’en vertu de l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique ou à la protection de la vie privée ne deviennent ainsi librement communicables qu'à l'expiration d'un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier. En outre, lorsqu’ils se rapportent comme en l’espèce à une personne mineure, les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire et les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions ne deviennent quant à eux librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de cent ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou d‘un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref. La Commission précise ici que l’article L213-2 du code du patrimoine réserve les dispositions particulières relatives aux jugements, tels que les articles R166 et suivants du code de procédure pénale dont elle n’est pas compétente pour connaître. En application des délais ainsi prévus par le code du patrimoine, la Commission constate que le dossier demandé a été clôturé en 1990 et ne sera par conséquent librement communicable qu'en 2090. Elle considère par ailleurs que du fait de son objet et de l'âge des individus concernés, ce dossier revêt une particulière sensibilité. Elle relève en outre que la ou les victimes mineures sont très probablement toujours en vie. La Commission note l'intérêt familial et personnel de Madame X à la consultation de ce dossier. Elle estime toutefois que, dans ces conditions, la communication des documents demandés serait susceptible de porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, alors que leur échéance de libre communication est encore très éloignée. Elle émet, pour ces raisons, un avis défavorable.