Conseil 20230643 Séance du 09/03/2023
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné, lors de sa séance du 9 mars 2023, votre demande de conseil relative au caractère communicable, à l’époux d’une patiente décédée dans un autre établissement hospitalier, de l’intégralité du dossier médical complet de celle-ci depuis 2000, afin de connaitre les causes du décès et de faire valoir ses droits, sachant les éléments suivants :
1) d'une part, une première transmission de documents est intervenue en rapport avec les tentatives de suicide de sa défunte épouse notamment les 4 comptes rendus de passage aux urgences ;
2) d'autre part, à la suite de cet envoi, l'ayant-droit souhaite élargir le périmètre de sa demande d’accès portant désormais sur l’entier dossier médical, et en précisant vouloir établir l’étiologie de sa défunte épouse dont l’état physique s’était dégradé.
La commission vous rappelle qu'en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, telles que le Conseil d'État les a interprétées, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit sous réserve que cette demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4 - à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt -, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant.
Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical.
La commission précise ensuite que l’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce, relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur.
A cette fin, la commission vous souligne que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant.
La commission observe qu’après avoir sollicité votre établissement d’une demande de communication de l’entier dossier de sa défunte épouse pour faire valoir des droits, sans les expliciter, l’intéressé vous a adressé une seconde demande en ajoutant vouloir connaître les causes du décès, sans davantage préciser les droits dont il souhaite se prévaloir. Vous lui avez alors adressé les quatre comptes rendus de passage aux urgences de sa défunte épouse en lien avec les tentatives de suicide. Puis, après l’avoir contacté téléphoniquement, il vous a alors indiqué vouloir « établir l’étiologie de son épouse dont l’état physique s’était dégradé » et « faire des recoupements pour déterminer l’origine d’une maladie». S’il ressort des pièces du dossier que le demandeur considère que sa défunte épouse a été victime d’agissements de harcèlement moral de la part de ses employeurs, il ne vous a donné aucune précision sur les démarches qu’il souhaite mener alors que vous l’avez incité à être plus précis.
Au vu de ce qui précède, la commission vous invite à réexaminer la demande afin de vous assurer que le dossier médical détenu par votre établissement ne comporte pas de documents susceptibles de répondre à l’objectif visant à déterminer les causes du décès de l’épouse du demandeur, quand bien même celle-ci n'est pas décédée dans votre établissement, et à lui communiquer tout document susceptible de répondre à cet objectif. A supposer que l’ayant-droit souhaite ultérieurement engager une action pour faire valoir ses droits, il conviendra qu’il précise la nature des droits en cause et il appartiendra alors au médecin compétent de l’établissement d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier médical au regard de l’objectif poursuivi. En l’absence de toute précision sur ce point, votre établissement ne saurait être en mesure d’identifier les pièces médicales nécessaires pour la réalisation de l’objectif visant à faire valoir des droits.