Avis 20230602 Séance du 09/03/2023
Maître X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 31 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le maire de Portet-sur-Garonne à sa demande de communication des documents suivants :
1) le marché concernant les travaux réalisés en 2015 sur la toiture de l'école Georges Sand ;
2) le dossier des ouvrages exécutés en 2015 ;
3) le repérage amiante avant travaux réalisé en 2015 ;
4) le dossier technique amiante de l'école Georges Sand.
En l'absence de réponse du maire de Portet-sur-Garonne à la date de sa séance, la commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, qui ne sont communicables qu'après occultation des prix unitaires ou de la décomposition du prix forfaitaire, susceptibles, en soi, de refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé.
En outre, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics.
En application de ces principes, la commission considère que le document mentionné au point 1) est communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des mentions couvertes par le secret des affaires. Elle émet, sous cette réserve, un avis favorable.
En deuxième lieu, la commission relève qu'il ne ressort d'aucune pièce versée au dossier de saisine que Maître X ou son client aurait sollicité la communication du document mentionné au point 2). En l'état, la commission considère, dès lors, que le maire de Portet-sur-Garonne n'a pas été saisi d'une demande préalable portant sur ce point. Elle déclare par suite irrecevable la demande d'avis dans cette mesure.
En troisième lieu, la commission rappelle que les articles R1334-29-4 et R1334-29-5 du code de la santé publique instituent un régime particulier de communication des « dossiers amiante » et des « dossiers techniques amiante » constitués par les propriétaires, publics ou privés, d'immeubles bâtis, au profit de certaines personnes et autorités limitativement énumérées. Elle estime cependant que ce régime n’exclut pas l’application du régime général du droit d’accès aux documents administratifs, lorsque ces dossiers sont détenus dans le cadre de leur mission de service public par les personnes énumérées à l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration.
La commission précise que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; / 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; (… ) ».
La commission estime que les dossiers techniques amiante, dès lors qu'ils concernent l'état de l'air et son effet sur l'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, comportent des informations relatives à l'environnement au sens des dispositions mentionnées au point précédent. Ces informations sont en principe librement communicables à toute personne qui en fait la demande en application des articles L124-1 et suivants du code de l'environnement et de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration.
La commission rappelle, toutefois, que l'intérêt de la sécurité publique et de la sécurité des personnes peut s'opposer à la communication d’informations environnementales, en vertu du d) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, auquel renvoie le I de l'article L124-4 du code de l'environnement.
Cette limite au droit d’accès aux informations environnementales, qui peut être opposée par l’administration lorsque la communication de ces informations pourrait notamment porter atteinte à la sécurité publique et des personnes, doit toutefois être interprétée de manière restrictive, conformément à ce que prévoit l’article 4 de la directive n° 2003/4/CE du 28 janvier 2003, en mettant cette exigence en balance avec l’intérêt public que représente la divulgation d’informations environnementales.
La commission rappelle en effet qu'en matière d'informations environnementales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier l'intérêt d'une communication en procédant à une balance entre l'intérêt public servi par la divulgation et l'intérêt servi par le refus de divulguer.
La commission considère que les informations et documents contenus dans le dossier technique amiante, énumérés par les dispositions de l’article R1334-29-5 du code de l’environnement revêtent, dans leur ensemble, un intérêt pour l'information du public sur l'environnement.
Dans son avis de partie II, n° 20215701, du 4 novembre 2021, elle a toutefois précisé que les plans des établissements scolaires, versés au dossier technique amiante, sont notamment susceptibles de révéler les détails des installations de sécurité, d’indiquer les emplacements de stockage de produits dangereux, des locaux gaz et des chaufferies et de révéler les accès aux différents bâtiments. Elle a estimé, à la lumière de la sensibilité du contexte sécuritaire actuel, que la révélation de ces informations à des tiers pourrait être de nature à faciliter la commission d’actes de malveillance ou à porter atteinte à la sécurité des personnes.
Elle a déduit que les plans permettent, certes, de localiser précisément au sein de l’établissement concerné, les matériaux contenant de l’amiante. Toutefois, après avoir constaté que les autres pièces de ce dossier indiquent également, sous forme littérale, les éventuels matériaux et produits contenant de l’amiante ainsi que leur emplacement dans l’établissement et, dès lors et dans la mesure où une vigilance particulière s’impose pour les établissements scolaires qui accueillent des élèves, elle a estimé que l'intérêt tenant à la protection de la sécurité publique et des personnes était supérieur à l'intérêt, pour la protection de l'environnement, de la communication des plans des établissements scolaires inclus dans ces dossiers dont l’absence n’obère pas la connaissance de l’éventuelle présence d’amiante dans les locaux et de sa localisation.
En l’espèce, la commission considère dès lors que les dossiers techniques amiante sollicités ainsi que les documents de repérage, sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L124-1 du code de l’environnement, après disjonction des plans des locaux. Elle émet, sous cette réserve, un avis favorable à la demande.