Avis 20230517 Séance du 09/03/2023
Maître X, conseil de Madame X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de X à sa demande de communication, de préférence par voie dématérialisée, afin de connaître les cause de la mort et faire valoir les droits du défunt, des documents concernant l’époux décédé de sa cliente, Monsieur X, X, affecté, par le biais d’une convention, au service de X du centre pénitentiaire des X :
I- les documents concernant Monsieur X :
1) les bulletins de salaire régularisés, des suites de la requalification rétroactive de ses arrêts maladie en maladie professionnelle ;
2) l'intégralité du dossier administratif ;
3) l’intégralité du dossier médical notamment les rapports d'autorité hiérarchique de saisine, l’intégralité des expertises des médecins agréés, les rapports de la médecine de prévention, sous pli confidentiel dans le strict respect du secret médical ;
4) les éléments que l'X a transmis à la CPAM dans le cadre de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle ainsi que ceux transmis par Monsieur X ;
5) les tableaux de service et le récapitulatif des horaires de travail incluant ses gardes et astreintes ;
6) les archives de sa boite courriel professionnelle jusqu'en 2016 ;
II - les documents concernant l'organisation de la X aux X :
7) les éléments constituant l'organisation du service de X au sein de l'établissement pénitencier ;
8) l'organigramme de service en vigueur à compter de 2015 jusqu'en 2021 ;
9) les tableaux de service des personnels X ;
10) la convention liant l'X et la prison des X ;
11) les procès-verbaux du comité technique d'établissement et de la commission médicale d'établissement relatifs au nouveau projet d'établissement au sein des X et la réorganisation des services depuis 2016 ;
12) le document unique d'évaluation des risques concernant les personnels affectés à la prison des X (X) ;
13) les différentes alertes reçues par l'X des chefs de pôle, syndicats et médecine de prévention concernant les conditions de travail des personnels au sein des X ;
14) la liste des événements indésirables concernant les personnels ;
15) les rapports de CHSCT de visite sur site, alertes et discussions concernant les conditions de travail au sein de la prison des X depuis 2015.
16) la charte informatique de l'X et en particulier celle en vigueur au sein de la prison des X pour l'ensemble des personnels (archivage, confidentialité, secret médical, répartition des postes ... ).
La commission observe à titre liminaire que le défunt exerçait les fonctions de X au centre pénitentiaire des X. Après une reconnaissance de sa maladie comme étant imputable au service en décembre 2020, ce dernier s’est donné la mort en X.
En ce qui concerne les documents sollicités au point I :
En l’absence de réponse exprimée par le directeur général de l’X à la date de sa séance, la commission rappelle qu'en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, telles que le Conseil d'État les a interprétées, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit sous réserve que cette demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4 - à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt -, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant.
Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical.
La commission précise ensuite que l’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce, relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur.
A cette fin, la commission souligne que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant.
A supposer que la demanderesse ait bien justifié de sa qualité d’ayant droit de son époux défunt, la commission observe en outre que cette dernière souhaite d’une part connaître les causes de la mort de son mari et d’autre part engager la responsabilité de l’X et demander réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi. Il appartient donc au médecin compétent de l’établissement d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie des documents composant le dossier médical du défunt.
S’agissant des dossiers administratifs des défunts, il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013 (n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon), que l'intéressé, au sens de ces dispositions, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. Ainsi qu’il a été dit, la demanderesse souhaite connaître les causes du décès et engager une action à l’encontre de l’X, la commission émet ainsi un avis favorable à la communication des documents administratifs sollicités au point I s’ils se rattachent à l’objectif poursuivi. Le cas échéant, il appartiendra à l’intéressée d’expliquer en quoi certains documents sollicités sont susceptibles de se rattacher aux objectifs qu’elle poursuit.
En ce qui concerne les documents sollicités au point II :
S’agissant des documents sollicités aux points 8), 9), 10), 11), 12), 13), 15) et 16), la commission estime que ces documents sont communicables à toute personne qui les demande, sous réserve le cas échéant de l'occultation préalable des mentions dont la communication porterait atteinte à la sécurité publique et à la vie privée de tiers ou ferait apparaître, de la part de tiers, un comportement dont la divulgation leur porterait préjudice, ou qui comporteraient une appréciation ou un jugement de valeur porté sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable en application des dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration.
S’agissant des documents sollicités au point 14) , la commission rappelle que l’accès des personnes aux données à caractère personnel qui les concernent dans des fichiers, en l’espèce, les auteurs de signalements et les patients, est exclusivement régi par les dispositions de la loi du 6 janvier 1978, qu’elle n’a pas compétence pour interpréter. En revanche, les tiers, c’est-à-dire les personnes non autorisées à consulter les fichiers en vertu des textes qui les créent, peuvent se prévaloir du code des relations entre le public et l'administration pour obtenir communication, le cas échéant, des documents extraits de ces fichiers.
La commission a considéré, dans son avis n° 20180582 du 31 mai 2018, relatif aux conditions d'accès aux fiches extraites de la base Osiris, que les fiches de signalement relatives à un évènement particulier n'étaient, en application des dispositions de l'article L311-6 de ce même code, communicables qu'à leur auteur ou au patient intéressé.
En application de ces principes, la commission, qui n’a pas pu prendre connaissance des documents mentionnés au point 14) de la demande, se déclarerait incompétente, en tant que les fiches sollicitées concerneraient l’ayant droit du défunt. Elle émettrait par ailleurs un avis défavorable, en tant que les fiches se rapporteraient à d’autres patients, sauf à ce que ces dernières aient fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible la réidentification des personnes qui y sont mentionnées, c'est-à-dire sous réserve d’une parfaite anonymisation.
La commission émet dès lors un avis favorable à la communication des documents sollicités au point II de la demande, sous les réserves qui précédent, étant précisé que les occultations réalisées doivent être limitées aux seules mentions effectivement susceptibles de porter atteinte aux secrets protégés.