Avis 20230462 Séance du 30/03/2023
Monsieur X, pour l'association X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à sa demande d'accès aux données du fichier « Répertoire national des élus » et à celles du fichier « Application élection » conformément aux possibilités définies par le décret n° 2014-1479 du 9 décembre 2014 :
1) concernant les élus, personnes nommées à leurs mandats, ainsi que les candidats pour l’ensemble des scrutins et l’ensemble du pays, DROM-COM inclus (Assemblée nationale, Sénat, conseils municipaux, conseils généraux puis départementaux, métropoles et conseils d’agglomérations, conseils régionaux, délégations françaises au Parlement européen) ainsi que pour les membres des différents Gouvernements ;
2) complètes, telles que définies à l’article 5 du décret suscité, à l’exception des données mentionnées au 2° du I de cet article ;
3 ) dans leurs versions actualisées après chaque élection ou à défaut dans leurs versions mises à jour annuellement et à date fixe, afin de pouvoir établir des comparaisons longitudinales ;
4) sur les vingt dernières années concernant les candidats et les trente dernières années concernant les élus et membres du Gouvernement, conformément à l’article 10 du décret précité.
La commission relève que le décret n° 2014-1479 du 9 décembre 2014 a prévu la mise en œuvre de deux traitements automatisés de données à caractère personnel concernant les candidats aux élections au suffrage universel et les mandats électoraux et fonctions électives que ces élections ont vocation à pourvoir. Le premier traitement, appelé « Application élection », comprend les données relatives aux candidatures enregistrées ainsi que les résultats obtenus par les candidats. Le second traitement, appelé « Répertoire national des élus », comprend les données relatives aux candidats proclamés élus. Ces deux traitements ont succédé au « fichier des élus et des candidats » créé par le décret n° 2001-777 du 30 août 2001.
En application de l'article 5 du décret du 9 décembre 2014, les données à caractère personnel et informations des candidats à un scrutin ou des titulaires d'un mandat enregistrées dans les traitements « Application élection » et « Répertoire national des élus » sont : les 1° Nom, prénoms, sexe, nationalité, date et lieu de naissance ; 2° Adresses, coordonnées téléphoniques et adresses de messagerie électronique ; 3° Le cas échéant, sigle, acronyme et titre de la liste sur laquelle ces personnes sont candidates ou ont été élues ainsi que leur rang de présentation ; 4° Étiquette politique lorsqu'elle a été déclarée par le ou les candidats lors du dépôt de candidature et, le cas échéant, par le ou les remplaçants ; 5° Etiquette politique lorsqu'elle a été déclarée par la liste ou le binôme des candidats lors du dépôt de candidature ; 6° Nuance politique attribuée au candidat par l'administration ; 7° Nuance politique attribuée à la liste ou au binôme de candidats par l'administration ; 8° Profession du candidat ; 9° Nombre de suffrages obtenus ; 10° Mandats électoraux et fonctions électives actuellement ou anciennement détenus ; 11° Fonctions gouvernementales actuellement ou anciennement détenues ; 12° Distinctions honorifiques. L’article 8 de ce décret prévoit qu’il peut être donné communication à toute personne des données et informations mentionnées précédemment, à l’exception de celles relatives aux adresses et coordonnées des personnes concernées, et que cette communication s’exerce dans les conditions prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l'administration.
La commission rappelle ensuite qu’elle estime que si la vie privée des candidats aux élections politiques doit, en principe, bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens, les fonctions auxquelles ils prétendent justifient, toutefois, que certaines informations les concernant puissent être communiquées, dans la limite de ce qui est nécessaire à la transparence démocratique, en particulier les mentions figurant dans les déclarations de candidature en vertu des dispositions du code électoral (avis de partie II du 22 novembre 2012 n° 20123880 et 20123881, du 15 avril 2021 n° 20211764).
Elle souligne également qu’elle considère, de manière générale, que les décisions administratives d'attribution d'une distinction honorifique, d’un insigne ou de remise d'une médaille sont, eu égard à l'objet de telles décorations ou récompenses, communicables à toute personne qui en fait la demande (avis de partie II du 6 mai 2010 n° 20101382, du 29 avril 2014 n° 20141119).
En l’espèce, la commission relève que la demande de Monsieur X porte sur les données et informations dont l’article 8 du décret du 9 décembre 2014 a prévu la communication sur simple demande. En application des principes ci-dessus rappelés, elle estime que ces éléments, dont certains revêtent le caractère de données à caractère personnel, sont librement communicables à toute personne qui en fait la demande, en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle observe au surplus que l’article D312-1-3 du même code prévoit la possibilité de publication en ligne de ces données du « Répertoire des élus » sans traitement préalable permettant de rendre impossible l’identification des personnes concernées.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a indiqué à la commission que certaines des informations sollicitées sont librement consultables sur le site internet data.gouv.fr à l’adresse https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/repertoire-national-des-elus-1/ ainsi qu'aux différentes sous-adresses mentionnées dans le courrier électronique de réponse adressé à Monsieur X le 8 mars 2023. Elle estime que dès lors que ces informations ont fait l'objet d'une diffusion publique, au sens de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, la demande d'avis est irrecevable dans cette mesure.
Pour ce qui concerne le surplus de la demande, la commission rappelle sa doctrine constante selon laquelle le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit un droit d’accès aux documents existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant mais ne fait pas obligation aux autorités administratives d'élaborer un document nouveau en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Ministre d'État, Ministre de l’éducation nationale, n° 128797 ; CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection, n° 152393). Il résulte en revanche de la décision du Conseil d’État du 13 novembre 2020, n° 432832, que constituent des documents administratifs au sens de ces dispositions, les documents qui peuvent être établis par extraction des bases de données dont l’administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable laquelle doit être appréciée de façon objective.
En l’état des informations portées à sa connaissance, elle émet donc un avis favorable à la demande de communication portant sur l’extraction des données à caractère personnel et des informations prévues à l’article 8 du décret du 9 décembre 2014, dans leurs versions actualisées après chaque élection ou à défaut dans leurs versions annuelles actualisées à date fixe, comme le demande Monsieur X, à la condition que ces informations existent ou soient susceptibles d'être obtenues par extraction des bases de données dont l’administration dispose sans faire peser sur elle une charge de travail déraisonnable.
A toutes fins utiles, la commission rappelle, en dernier lieu, qu’en vertu qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Le dépôt aux archives publiques des documents administratifs communicables aux termes du présent chapitre ne fait pas obstacle au droit à communication à tout moment desdits documents ». De même, en application de l’article L213-1 du code du patrimoine, les documents qui, avant leur dépôt aux archives publiques, étaient librement communicables, le demeurent après ce dépôt.
Ainsi, les documents relatifs aux élections antérieures à la mise en place du « fichier des élus et des candidats » demeureraient librement communicables quand bien même ils auraient été déposés dans les services d’archives compétents. La commission observe toutefois en l’espèce que la demande de Monsieur X porte sur les seules données issues des fichiers informatiques centralisés créés à compter du décret du 30 août 2001 précité.