Avis 20230435 Séance du 09/03/2023
Madame X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 janvier 2023, à la suite du refus opposé par la Première ministre à sa demande de communication, par publication en ligne, des rapports thématiques produits par l’Inspection générale de la justice (IGJ) en lien avec d’autres inspections, sur la période 2018 à 2021 :
1) le rapport sur les mineurs non‐accompagnés, Inspection générale de la justice, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale de l'administration, association des départements de France - 2018 ;
2) le rapport sur l'aide juridictionnelle, Inspection générale de la justice, Inspection générale des finances - 2018 ;
3) la réforme et modernisation des apostilles, Inspection générale de la justice, Inspection générale des affaires étrangères - 2018 ;
4) le rapport sur la définition des modalités de la création d’un registre unique des entreprises, Inspection générale de la justice, Inspection générale des finances - 2018 ;
5) le rapport sur l'évaluation de l’efficacité de la chaîne de traitement des infractions au code de la route par les conducteurs entraînant le retrait de points, Inspection générale de la justice ‐ Inspection générale de l'administration ‐ 2019 ;
6) le rapport sur la cartographie des métiers et des capacités de l’État contribuant à la sécurité et à la défense des intérêts français dans l’espace numérique, Inspection générale de la justice ‐ inspection générale de l'administration ‐ Inspection générale des finances ‐ contrôle général des armées ‐ conseil général de l'économie ‐ 2019 ;
7) le rapport sur la chaîne de gouvernance de la sécurité des systèmes d'information (SSI) de l’État, Inspection générale de la justice ‐ Inspection générale de l'administration ‐ contrôle général des armées ‐ conseil général de l'économie ‐ Inspection générale des affaires étrangère - 2019 ;
8) le rapport sur le dispositif de lutte contre la fraude dans les services consulaires en matière d’actes d’état civil, de titre d’identité et de voyage et de visas, Inspection générale de la justice ‐ Inspection générale de l'administration ‐ Inspection générale des affaires étrangère ‐ 2019 ;
9) le rapport sur les moyens de la direction générale des Finances publiques (DGFiP) mis à disposition du ministère de l’intérieur dans le cadre de la lutte contre la délinquance économique et financière, Inspection générale de la justice‐ Inspection générale de l'administration ‐ Inspection générale des finances ‐ 2019 ;
10) le rapport sur le recueil de preuves sans plainte, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale de l'administration ‐ 2019 ;
11) le rapport de l'Inspection générale de la justice et l'inspection générale de l'administration pour l'évaluation de l’efficience des moyens dont disposent le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) et le commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (CoSSeN) ‐ 2020 ;
12) le rapport de l'Inspection générale de la justice et l'inspection générale de l'administration sur le dispositif de lutte contre la délinquance économique et financière ‐ 2020 ;
13) le rapport des inspections sur les extractions judiciaires, IGJ ‐ IGA ‐ IGF ‐ IGPN ‐ IGGN - 2021;
14) le rapport des inspections sur la prévention du suicide dans les établissements pénitentiaires, IGJ ‐ IGAS -2021.
La commission, qui pris connaissance de la réponse de la Première ministre, rappelle qu'il résulte de l'article 2 du décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 que l'inspection générale de la justice « exerce une mission permanente d'inspection, de contrôle, d'étude, de conseil et d'évaluation » notamment sur l'ensemble des juridictions de l'ordre judiciaire dont elle apprécie l'activité, le fonctionnement et la performance. Les rapports qu’elle établit à cet effet, s’ils ne s’inscrivent pas dans le cadre de l’engagement d’une procédure pénale, ne se rattachent pas directement à la fonction de juger. Ils présentent, par suite, le caractère de documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, soumis au droit d'accès prévu par l’article L311-1 de ce code. La circonstance que l’article 4 du décret du 5 décembre 2016 prévoit que l'inspection générale communique au secrétaire général du ministère de la justice et aux directeurs de l'administration centrale ses rapports ou les éléments de ses rapports qui relèvent de leur compétence, n'est pas de nature à faire obstacle à l'exercice du droit d'accès aux documents administratifs consacré par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
La commission en déduit que les rapports établis par l'inspection générale de la justice, conjointement avec d'autres inspections, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sous une double réserve.
En premier lieu, ces rapports doivent être achevés, c'est-à-dire remis à leur commanditaire, ce qui semble être le cas en l'espèce. Par ailleurs, ils ne doivent pas revêtir un caractère préparatoire. La commission rappelle qu'en application de l'article L311-2 du même code, un document administratif présente un caractère préparatoire lorsqu'il est destiné à éclairer l'autorité administrative en vue de prendre une décision administrative déterminée et que cette décision n’est pas encore intervenue, ou que l’autorité administrative n’a pas manifestement renoncé à la prendre.
En second lieu, doivent être préalablement occultées les mentions couvertes par les secrets protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, en particulier les éléments qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou qui font apparaître d'une personne physique un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. La commission précise que lorsque l'ampleur des occultations à opérer en application de ces dispositions prive d'intérêt la communication du document sollicité, l'administration est alors fondée, en vertu de l'article L311-7 du même code, à refuser sa communication.
Par ailleurs, la commission rappelle que la publication en ligne de documents administratifs par l’administration ne peut s’effectuer que sous réserve du respect des conditions posées à l’article L312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui dispose que : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. / Sauf dispositions législatives contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et les données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes. Une liste des catégories de documents pouvant être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement susmentionné est fixée par décret pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. (...) ».
En l'espèce, la commission, qui n'a pas pu consulter les rapports sollicités, émet un avis favorable à la demande, sous l'ensemble des réserves précitées, et rappelle qu’en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, il appartient à l’autorité saisie d’une demande portant sur des documents qu’elle ne détient pas de transmettre la demande, accompagnée du présent avis, à l’autorité susceptible de les détenir, en l'espèce le ministère de la justice, et d’en aviser la demanderesse.