Avis 20230396 Séance du 09/03/2023
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 janvier 2023, à la suite du refus opposé par le directeur du centre hospitalier d'Erstein à sa demande de copie, en sa qualité d'ayant droit, du dossier médical de son fils X, X, décédé le X, à l’hôpital de Erstein, suite à un internement pour des problèmes psychiatriques.
Après avoir pris connaissance des observations du directeur du centre hospitalier d'Erstein, la commission relève que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès.
La commission précise que le Conseil d'État, dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l'ordre des médecins, n°270234, a interprété les dispositions de l'article L1110-4 du code de la santé publique comme ayant entendu autoriser l'accès des ayants droit aux seules informations nécessaires à l'objectif qu'ils poursuivent. L'application de ces dispositions à chaque dossier d'espèce relève de l'équipe médicale qui a suivi le patient décédé, compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l'objectif invoqué.
En outre, la commission souligne que, par ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical.
Doivent, à cet égard, être regardés comme des ayants droit au sens de ces dispositions, les successeurs légaux et testamentaires du défunt.
En ce qui concerne la notion d'ayant droit, la commission considère que sont ainsi visés, en premier lieu, les successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne. La commission rappelle que l'article 734 de ce code prévoit qu'en l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants. L’article 744 du code civil précise qu’à l’intérieur de chaque ordre d’héritiers, l’héritier le plus proche en degré exclut les héritiers plus éloignés. Ces règles sont à combiner avec les règles relatives à la division de la succession en deux branches, paternelle et maternelle, et à la représentation, fixées aux articles 746 à 755.
La commission, qui considère que doivent être regardés en second lieu comme des ayants droit au sens et pour l'application de l'article L1110-4 du code de la santé publique, les successeurs testamentaires du défunt, rappelle que cette qualité d’ayant droit, qu’il appartient à l’administration de vérifier, peut être établie par tout moyen. .
En vertu de l'article R1111-1 du code de la santé publique, l'établissement de santé est tenu de s'assurer de l'identité du demandeur avant de procéder à la communication du dossier médical sollicité. Il est ainsi fondé à exiger du demandeur la production préalable des pièces de nature à établir cette identité, telles que, par exemple, une carte d'identité, un livret de famille, un certificat d’hérédité ou encore un acte de notoriété.
La commission relève par ailleurs que, face aux refus de nombreuses mairies de délivrer des certificats d’hérédité et au coût lié à l’établissement par un notaire d’un acte de notoriété, la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a modifié l’article L312-1-4 du code monétaire et financier, afin de faciliter la preuve de la qualité d’héritier et l’accomplissement des démarches de gestion en lien avec des successions portant sur de faibles montants. Cet article dispose désormais que : « La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d'un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. Sous réserve de justifier de sa qualité d'héritier, tout successible en ligne directe peut : 1° Obtenir, sur présentation des factures, du bon de commande des obsèques ou des avis d'imposition, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite des soldes créditeurs de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des actes conservatoires, au sens du 1° de l'article 784 du code civil, auprès des établissements de crédit teneurs desdits comptes, dans la limite d'un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie ; 2° Obtenir la clôture des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant, dès lors que le montant total des sommes détenues par l'établissement est inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. Pour l'application des 1° et 2°, l'héritier justifie de sa qualité d'héritier auprès de l'établissement de crédit teneur desdits comptes soit par la production d'un acte de notoriété, soit par la production d'une attestation signée de l'ensemble des héritiers, par lequel ils attestent : a) Qu'il n'existe pas de testament ni d'autres héritiers du défunt ; b) Qu'il n'existe pas de contrat de mariage ; c) Qu'ils autorisent le porteur du document à percevoir pour leur compte les sommes figurant sur les comptes du défunt ou à clôturer ces derniers ; d) Qu'il n'y a ni procès, ni contestation en cours concernant la qualité d'héritier ou la composition de la succession. Pour l'application du présent 2°, l'attestation mentionnée au cinquième alinéa doit également préciser que la succession ne comporte aucun bien immobilier. Lorsque l'héritier produit l'attestation mentionnée au cinquième alinéa, il remet à l'établissement de crédit teneur des comptes : – son extrait d'acte de naissance ; – un extrait d'acte de naissance du défunt et une copie intégrale de son acte de décès ; – le cas échéant, un extrait d'acte de mariage du défunt ; – les extraits d'actes de naissance de chaque ayant droit désigné dans l'attestation susmentionnée ; – un certificat d'absence d'inscription de dispositions de dernières volontés. »
La commission en déduit que l'attestation dressée en mairie, par laquelle une personne désigne les héritiers apparents laissés par la personne décédée et atteste se porter fort et caution au nom des autres cohéritiers, n'a pas la même valeur juridique qu'un acte de notoriété dressé par un notaire dans les conditions prévues par les articles 730-1 à 730-3 du code civil. La commission considère toutefois que, conformément à l'article 730 du code civil, la preuve de la qualité d'héritier s'établit par tous moyens et que rien ne fait obstacle à ce que des héritiers puisse se prévaloir d’une attestation de porte-fort afin d’obtenir la communication de dossier médical d’une personne décédée.
En l’espèce, la commission note que Madame X a précisé auprès du centre hospitalier les objectifs de sa demande, conformément aux dispositions de l’article L1110-4 du code de la santé publique, en faisant état de sa volonté de faire valoir ses droits. Sa demande devant la commission fait en outre état de sa volonté de connaître les causes du décès de son fils.
Toutefois, la commission constate qu’alors que le centre hospitalier a invité Madame X, par courriel du 19 janvier 2023, à justifier de sa qualité d’ayant droit, cette dernière n’a pas apporté davantage d’éléments. En l’absence de précision suffisante sur la qualité d’ayant droit apportée, le directeur du centre hospitalier d’Erstein pouvait légalement refuser de faire droit à la demande.
La commission émet dès lors un avis défavorable.
Elle invite Madame X, si elle le souhaite, à renouveler sa demande auprès du centre hospitalier en justifiant de sa qualité d’ayant droit par la production d’un acte de notoriété, d’un certificat d'hérédité ou d’une attestation de porte-fort.